On a beau disserter, depuis deux semaines, sur ce Roland-Garros automnal, son contexte particulier, son changement de saison, son nouveau stade, ses surprises entrevues ici et là, bref on a beau avoir pris les chemins de traverse plutôt que l'autoroute, au bout du compte, nous voici arrivés exactement à la destination attendue. La finale messieurs opposera ce dimanche les deux meilleurs joueurs du monde, Novak Djokovic et Rafael Nadal, qui vont s'affronter pour la 56e fois de leur carrière, la 9e en finale de Grand Chelem et la 8e à Roland-Garros, autant de chiffres phénoménaux, colossaux et pour la plupart jamais vus.
Place des grands hommes
Rafael Nadal et Novak Djokovic se retrouvent dimanche pour une finale historique.
A ce stade de leur carrière et de leur rivalité, chaque Nadal-Djokovic pèse très lourd dans l'histoire du jeu. Mais cette finale de Roland-Garros vaudra une tonne, à une époque où le classement des joueurs les plus titrés de l'histoire en Grand Chelem revient dans quasiment toutes les conversations liées tennis.
S'il l'emporte, Rafa décrochera un 20e titre majeur et rejoindra Roger Federer en tête de ce prestigieux palmarès, un Graal après lequel il court depuis le début de sa carrière. Si c'est Novak, il reviendrait, avec 18 Glorieuses, à portée de fusil des deux hommes et augmenterait ainsi sensiblement ses chances de les coiffer un jour au poteau, lui qui est le plus jeune des trois (33 ans, contre 34 à l'Espagnol).
L'historique ou la dynamique ?
Laissons donc l'histoire s'écrire sous nos yeux, tant l'issue en est incertaine, et le script passionnant. Evidemment, le contexte parle en faveur de Rafael Nadal, incontestable maître des lieux où, en cas de 13e titre, il porterait son record à des hauteurs toujours plus stratosphériques. Mais la dynamique penche plutôt du côté de Djokovic, qui n'a plus perdu en Grand Chelem contre son rival depuis la finale de Roland-Garros 2014. L'année suivante, en 2015, le Serbe est devenu l'un de deux joueurs, avec Robin Söderling, à avoir jamais battu le Majorquin Porte d'Auteuil.
Mais le passé, on le sait bien, ne compte pas pour ces deux hommes habitués à ne regarder que droit devant eux, et dont la rivalité semble un éternel recommencement. Surtout durant ce Roland-Garros où, malgré tout, les compteurs semblent plus que jamais remis à zéro cette année, ce que Djokovic tend à voir comme un léger avantage en sa faveur. "Les conditions de jeu sont différentes de celles auxquelles nous sommes habitués en juin, déclarait le Serbe vendredi soir après son succès en cinq sets face à Stefanos Tsitsipas. La météo et la température ont un impact certain sur le jeu sur terre battue. Si le rebond ne va pas au-dessus de l'épaule, cela me donne de meilleures chances de l'emporter. Mais ça reste Rafa..."
Une feuille de route similaire
Lequel Rafa ne dit pas l'inverse, lui qui a trop d'expérience et de respect pour son rival, et donc pour aborder cet ultime rendez-vous en excès de confiance, même s'il n'a jamais perdu de finale à Roland-Garros. "Je joue bien depuis quelque temps, j'ai l'impression d'avoir franchi un cap contre Schwartzman, mais ça ne sera pas suffisant contre Novak. C'est un joueur fantastique. Face à lui, je serai obligé de jouer mon meilleur tennis. Sinon, ça va être compliqué."
La feuille de route des deux légendes sur ce Roland-Garros est assez similaire. Rafael Nadal a passé 13h13 sur le court et n'a toujours pas perdu un set en route, ce qui est bluffant quand on se souvient les difficultés qu'on lui promettait avant le début du tournoi. La preuve, une fois de plus, que l'Espagnol s'adapte à tout.
Novak Djokovic, lui, a laissé trois sets en route, un face à Pablo Carreno Busta, et deux lors d'une formidable demi-finale contre Stefanos Tsitsipas. Mais au bout du compte, il ne s'est guère plus attardé sur le court (14h36). Il y a peu de chances, a priori, que cette finale se joue sur le facteur fatigue. Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne se jouera pas au physique.
Entre le meilleur joueur de l'histoire sur terre battue et le meilleur joueur tout court du moment, cette finale participera quoi qu'il arrive à écrire un peu plus la légende de l'un ou de l'autre. Sinon celle des deux. Une légende qui, curieusement, ne s'est plus poursuivie Porte d'Auteuil depuis 2015. Cinq ans après, les retrouvailles n'en seront que plus belles, pour nous spectateurs. Reste à savoir pour qui sur le court...