Ça n'est pas forcément visible à l'œil nu, mais ça l'est – on le verra – dans les stats. Iga Swiatek et Coco Gauff, qui se retrouvent ce jeudi pour la troisième année consécutive à Roland-Garros (après leur quart de finale l'an passé et la finale 2022), partagent un autre point commun : celui d'avoir abordé le Grand Chelem parisien avec un service partiellement revisité.
Swiatek - Gauff : service compris
Iga Swiatek et Coco Gauff, qui se retrouvent ce jeudi en demi-finales, ont toutes deux modifié leur service cette saison. Avec une certaine efficacité.
Pour les deux, un mot d'ordre : simplifier et fluidifier au maximum la gestuelle. Mais avec des objectifs différents. Pour l'Américaine, il s'agit de réduire un taux de doubles fautes notoirement trop élevé – 233 depuis le début de la saison, "record" du circuit WTA – tandis que la Polonaise cherche surtout à gagner en vitesse et en précision. Quoi qu'il en soit, pour l'une comme pour l'autre, l'opération semble plutôt fonctionner.
Avant ce Roland-Garros, ni l'une ni l'autre n'avait présenté des statistiques aussi avantageuses, que ce soit en termes de jeux de service remportés (83% pour Gauff, 84% pour Swiatek), de pourcentage de points gagnés derrière leur première balle (76% pour Gauff, 75% pour Swiatek) ou de vitesse de pointe (205 km/h pour Gauff, record du tournoi, 195 km/h pour Swiatek).
On sent, bien sûr, que tout n'est pas encore parfaitement calé. Le ratio aces/doubles fautes, très légèrement positif pour Swiatek (6/4), demeure trop largement négatif chez Gauff (14/23). Pour cette dernière, tout le problème consiste à "trouver le bon équilibre entre frapper fort pour chercher le point gratuit et ralentir le rythme pour assurer sa première." En d'autres termes, trouver le parfait compromis bénéfices/risques, à l'image des meilleures serveuses du circuit, comme Aryna Sabalenka, qui avait aussi réalisé un gros travail technique et biomécanique pour limiter ses doubles fautes.
Gauff penche moins à gauche
"Je pense avoir un bon service et cela pourrait devenir une vraie force, à condition de gagner en régularité, a expliqué l'Américaine durant sa quinzaine. Pour cela, j'ai travaillé sur deux points : d'abord, j'essaie de faire en sorte que mon épaule gauche s'affaisse moins quand je sers, car c'est ce qui provoque les doubles fautes. J'ai aussi modifié mon lancer, qui est désormais un peu plus bas. J'ai l'impression de limiter ainsi la marge d'erreur." Il est d'ailleurs intéressant de noter que Brad Gilbert, qui la coache aux côtés de l'entraîneur français Jean-Christophe Faurel, avait procédé à un travail similaire il y a quelques années avec Andy Roddick.
Même si cela demande à être confirmé sur le long terme, le travail semble porter ses fruits. Coco affiche sur ce Roland-Garros une moyenne de 4,6 doubles fautes par match, contre 6,4 depuis le début de la saison 2024. Reste à ne pas commettre ces doubles dans un moment critique, comme cela avait été le cas il y a trois semaines à Rome face à Iga Swiatek, qui l'avait dominée 6/4, 6/3.
Swiatek, un geste plus fluide et plus compact
La numéro 1 mondiale a, pour sa part, une façon différente d'utiliser son service, et notamment sa première balle. En bonne spécialiste de terre battue, elle recherche moins le K.O direct que la position idoine pour entamer l'échange et mieux le dicter dès le deuxième coup. Mais à Rome justement, la triple gagnante de Roland-Garros avait, semble-t-il, ressenti un déclic, annonciateur d'une possible évolution.
"Là-bas, j'avais sauvé beaucoup de balles de break grâce à ma première balle, et ça s'est confirmé à Paris : j'ai le sentiment d'avoir gagné des jeux entiers rien qu'avec ma mise en jeu, a-t-elle ainsi déclaré. Avant, mon service n'était pas terrible et j'arrivais tout de même à gagner des tournois. Je n'ai toujours pas un service exceptionnel, je dois encore gagner en constance, mais j'ai le sentiment d'avoir plus d'options quand je sers. Et je trouve cela plus confortable."
Ses adversaires, probablement moins. À Roland-Garros, par rapport au reste de sa saison, Iga a jusqu'à présent a servi plus fort, trouvé plus de zones et affiché un meilleur pourcentage de premières, tout en commettant moins de doubles fautes. La différence n'est pas drastique, bien sûr. Mais notable. Battre Iga Swiatek n'est déjà pas une sinécure, mais si en plus elle parvient à faire de son engagement une arme à la hauteur de son jeu de fond de court, cela va devenir franchement compliqué.
"En gros, on a changé tout ce qui précède la frappe, de manière à rendre l'ensemble du mouvement plus fluide, plus compact et ainsi plus fiable sous la pression, a détaillé la Polonaise, gestes à l'appui. J'ai également travaillé sur la mémoire musculaire et sur le positionnement des appuis. Au final, c'était une super idée de mon coach. Le but, maintenant, c'est de rester constante sur le long terme. On verra comment les choses tournent mais pour l'instant, ce tournoi me donne l'impression d'être sur la bonne voie."
Le chantier lancé par Iga Swiatek et Coco Gauff souligne en tout cas l'importance croissante du service dans le tennis féminin, où Aryna Sabalenka et Elena Rybakina ont placé la barre particulièrement haut. Et le fait de voir deux des meilleures joueuses mondiales prêtes à casser certaines fondations de leur jeu pour tout reconstruire en dit long, aussi, sur le degré d'exigence nécessaire dans le tennis de très haut niveau.