Rafael Nadal & Roland-Garros : sa plus belle histoire

Vainqueur du tournoi à 14 reprises, Rafael Nadal a toujours entretenu une relation bien particulière avec le Grand Chelem parisien. Retour sur son histoire, aux allures de conte de fées.

Rafael Nadal / Remise de prix Roland-Garros 2017 ©Corinne Dubreuil / FFT
 - Marion Theissen

Il était une fois, un petit garçon de Manacor. Longtemps tiraillé entre deux passions (le football et le tennis), rien ne l’a jamais éloigné de sa destinée pour le sport de haut niveau. Après avoir finalement choisi la petite balle jaune, il a foulé la terre battue de la Porte d’Auteuil pour la première fois de sa vie à 19 ans, sans savoir que c’est à Paris qu’il écrirait la plus belle histoire d’amour de sa carrière.

L’amour triomphe toujours

L’histoire commence il y a 19 ans. Un jeune garçon, vêtu d’un t-shirt vert sans manches et d’un pantacourt que l’on pensait alors un peu trop long pour jouer au tennis, débarque à Paris. Cela fait quatre ans que Rafael Nadal arpente les tournois du circuit professionnel et son affection pour la terre battue est déjà manifeste. Si les observateurs aguerris avaient déjà repéré le talent du gaucher, c’est cette année-là qu’il a définitivement marqué les esprits : en 2005, le petit garçon de l’île de Majorque remporte Roland-Garros. "C’est un rêve qui devient réalité. Lorsque vous atteignez votre objectif, ce sont des moments très forts, et là c’est vraiment extraordinaire pour moi, avait-il alors déclaré. Pour la première fois, j’ai pleuré après avoir gagné un match, ça ne m’était encore jamais arrivé."

Une victoire acquise face à Mariano Puerta et une première Coupe des Mousquetaires remise des mains de Zinédine Zidane, l’idole des Français : le coup de foudre avait eu lieu, le public était conquis, Rafa aussi. La romance entre celui qui reste aujourd’hui encore le seul joueur de l’histoire à avoir soulevé un même trophée du Grand Chelem à quatorze reprises et son tournoi préféré pouvait commencer.

Les débuts prometteurs d’une longue histoire

Rafael Nadal a tout de suite prouvé qu’entre lui et Roland-Garros, c’était une histoire sérieuse. Après ce premier titre en Majeur, il a rapidement fait taire ceux qui auraient encore pu croire à un simple exploit. Pendant quatre années consécutives, il a atteint la finale et l’a emportée. Difficile d’ailleurs pour les journalistes et autres reporters de ne pas manquer d’inspiration et de se renouveler tous les ans au mois de juin, au moment de conter les prouesses de celui qui a fait du court Philippe-Chatrier sa deuxième maison.

En 23 années de carrière et 19 éditions parisiennes disputées, il n’a perdu que quatre matchs. Jamais en finale. Et à quatre reprises, il n’a pas laissé filer le moindre set, comme en 2008. Un cru particulièrement réussi pour l’Espagnol au sommet de son art et qui s’est imposé en finale contre Roger Federer en pratiquant un tennis venu d’ailleurs. "Rafa a dominé ce tournoi comme personne auparavant, se souvient l’ancien n°1 mondial, alors battu 6/1, 6/3, 6/0. Il a maitrisé chaque point, du premier au dernier. C’est le meilleur Rafa que je n’ai jamais vu. Aujourd’hui, il était juste intouchable."

L’année suivante, il va connaître sa première défaite sur la terre battue parisienne, face à Robin Söderling, contre qui il n’avait encore jamais perdu. "Pour battre Rafa sur terre, notamment en cinq sets, il faut être très agressif et dominer les échanges, a-t-il déclaré en 2018 dans le Daily Telegraph. C’est ce que j’ai tenté de faire : être plus agressif que d’habitude et prendre plus de risques". Une stratégie payante pour le Suédois qui n’a toutefois en rien freiné les ardeurs ou les projets de l’homme aux 96,5 % de victoires Porte d’Auteuil. Loin d’être un coup d’arrêt, ce premier revers a plutôt marqué le temps du renouvellement, comme dans toute relation. Se réinventer pour revenir encore plus fort, en somme. Il avait commencé par quatre titres consécutifs, il en ajoute cinq autres entre 2010 et 2014 ! Une période dorée durant laquelle il a également remporté Wimbledon pour la seconde fois et l’US Open à deux reprises.

Invaincu dans la capitale française pendant la moitié d’une décennie, c’est ensuite Novak Djokovic qui a été son plus grand bourreau. Vainqueur en quarts de finale en 2015 (7/5, 6/3, 6/1) et en demi-finales en 2021 (3/6, 6/3, 7/6(4), 6/2), le Serbe est le seul joueur à l’avoir fait tomber à deux reprises dans son jardin. Toujours insuffisant pour mettre un terme à la ténacité et la passion du plus grand joueur de tous les temps à Roland-Garros. "C’est très difficile de décrire ce que je ressens ici, je me sens comme chez moi, a-t-il un jour déclaré. C’est compliqué de le comprendre, mais Roland-Garros, c’est le tournoi le plus important de ma carrière. Toutes les choses que j’ai vécues et appréciées ici resteront dans mon cœur pour toujours". Et pour que cet amour reste gravé à tout jamais, une statue a été érigée en son honneur dans le jardin des Mousquetaires.

Rafael Nadal / Inauguration de la statue de Jordi Diez Fernandez / Roland-Garros 2021©Christophe Guibbaud / FFT

Une admiration sans limite

Au fil des années, de nombreux joueurs ont affronté le plus grand de tous les temps sur ocre, qui n’était autre que leur idole d’enfance, celui que l’on a tous vu gagner sur notre écran de télévision un dimanche de fin de printemps. C’est notamment le cas de Casper Ruud. Face à Nadal en finale de l’édition 2022, il n’a pas trouvé la solution. D’abord parce que les célèbres déplacements et le coup droit lasso dévastateur ont pris le dessus bien sûr, mais aussi parce qu’il était tétanisé par l’enjeu de défier le héros de sa jeunesse. Une défaite 6/3, 6/3, 6/0 qu’il n’a eu aucune peine à digérer. "J’aurai évidemment aimé pouvoir faire en sorte que le match soit plus serré, mais au final, je pourrais au moins raconter à mes petits-enfants que j’ai joué contre "Rafa", en finale, sur le Philippe-Chatrier. Alors, ils me répondront certainement :  ‘C’est vrai ?’ Je vais pouvoir savourer ce moment encore longtemps" avait confié le Norvégien.

Rafael Nadal & Casper Ruud / Finale Roland-Garros 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Cumulée à l’adoration évidente des uns, l’admiration des autres montre aussi la grandeur de l’Espagnol et la marque indélébile qu’il laissera dans la capitale française. Tous sont unanimes quant à la manière de décrire une bataille sur sa surface de prédilection : le plus grand challenge de ce sport. "C’est le plus grand joueur de tous les temps sur terre," a déclaré Gaël Monfils. "Jouer contre "Rafa" sur le court Philippe-Chatrier c’est le plus gros défi que nous puissions relever," a encore ajouté Dominic Thiem, battu en finale en 2018 et en 2019.

Novak Djokovic, détenteur du record de victoires contre le Majorquin à Paris n’a pas manqué non plus de rendre hommage au tout récent retraité : "Il arrive parfois qu’il ne fasse presque aucune faute, on dirait qu’il est impénétrable, comme un mur. C’est un athlète incroyable, la ténacité et l’intensité avec lesquelles il joue, en particulier à Roland-Garros, c’est quelque chose qui n’a été que très rarement observé dans l’histoire de ce sport".

Toutes les histoires ont une fin…

… et elles ont toutes pour point commun le personnage du "méchant". Celui du conte de Rafael Nadal à Roland-Garros pourrait être symbolisé par son propre corps. C’est lui qui l’a contraint à se retirer en 2016 et à ne pas prendre part au tournoi 2023. C’est également lui qui a écourté son début de saison 2024 après une reprise – et une blessure, donc – à Brisbane. C’est lui, enfin, qui l’a empêché de tenir la distance lors de sa dernière danse parisienne face à Alexander Zverev, troisième et dernier joueur de l’histoire à l’avoir battu dans son jardin. Une sortie chaudement saluée en guise de dernière page d’un ouvrage extraordinaire dont les aventures et les sentiments seront éternellement contés.