Surprenante, exceptionnelle, émouvante, historique… Du come-back grandiose de Nadal à la démonstration de Djokovic, en passant par la prise de pouvoir d’Alcaraz quelques jours avant les émouvants adieux de Federer, les amateurs de tennis ont dégusté une cuvée 2022 particulièrement savoureuse dont ils se souviendront longtemps.
Rétro saison ATP – Nadal, Alcaraz, Djokovic : le "Big 3" de 2022
Des sacres monumentaux, des records et une retraite marquante : retour sur l’incroyable saison 2022 du circuit ATP.
Nadal, une renaissance historique
Souvenez-vous l’été 2021. Battu chez lui Porte d’Auteuil par son grand rival et futur vainqueur Novak Djokovic, Rafael Nadal se voyait contraint de jeter l’éponge pour Wimbledon, les Jeux Olympiques puis l’US Open après une tentative de retour avortée à Washington. Liée à sa blessure profonde et handicapante au pied gauche, cette inquiétante traversée du désert s’accompagnait d’une rumeur plus qu’insistante quant à une fin de carrière prématurée.
Une sombre prophétie balayée par un retour victorieux au tournoi ATP 250 de Melbourne, préparation parfaite avant d’entamer l’Open d’Australie. Vainqueur en 2009 puis finaliste en 2017 et 2019, le Majorquin se montrait toutefois prudent concernant ses capacités à briller dans un si grand rendez-vous. "Ce n’est pas possible d’être en pleine confiance et de se sentir parfaitement bien après une blessure de près de six mois. Il faut reconstruire cette confiance, tant sur le plan tennistique que sur le plan physique, jour après jour" commentait-il sobrement après son premier titre de l’année 2022.
De nombreux questionnements terrassés tour à tour par une impressionnante montée en puissance et une mobilité digne de ses plus belles heures. Rien – pas même d’insistantes douleurs à l’estomac durant cinq sets en quarts face à Denis Shapovalov – ne semblait pouvoir l’empêcher de réussir un come-back légendaire, magnifié par l’un des plus grands chefs d’œuvre de sa carrière en finale.
Mené 2/6, 6/7(5), 2-3 (0-40) par un Medvedev impérial, Nadal a réussi l’impossible et l’impensable en renversant son adversaire au terme d’un combat monumental de 5h24. Un 21e Grand Chelem arraché au courage et à l’envie pour devenir le joueur le plus titré de l’histoire du tennis masculin dans cette catégorie. "Je ne sais pas quoi vous dire, c’est juste incroyable. Il y a un mois et demi, je ne savais pas si j’allais pouvoir jouer au tennis et là devant vous tous, je soulève le trophée. C’est un des moments les plus émouvants de ma carrière et ça restera dans mon cœur le reste de ma vie" a-t-il conclu devant un public sous le choc.
Une renaissance et un nouveau Majeur qui l’ont légitimement placé dans la position du favori avant d’entamer la quête d’un 14e Roland-Garros. Privé de titre lors de sa préparation sur ocre, le roi de la terre battue a de nouveau sorti le grand jeu face à Félix Auger-Aliassime puis au moment de prendre sa revanche sur Novak Djokovic en quarts de finale. Poussé dans ses retranchements par le malheureux Alexander Zverev, "Rafa" a finalement bouclé sa quinzaine époustouflante face à Casper Ruud pour s’adjuger un 22e titre en Grand Chelem.
Et si son forfait avant sa demi-finale de Wimbledon et son élimination précoce en huitièmes de l’US Open contre un impressionnant Frances Tiafoe l’ont très certainement frustré, sa saison n’en reste pas moins remarquable et totalement inespérée. Elle lui permet d’ailleurs de terminer dans le Top 2 mondial pour la 13e fois de sa carrière, un record. Nadal est immortel.
Alcaraz, roi précoce
Le vent nouveau appelé à souffler sur le circuit depuis plusieurs saisons s’est transformé en tornade. A 19 ans, 4 mois et 7 jours, Carlos Alcaraz est devenu en septembre le plus jeune numéro un mondial de l’histoire du tennis. Un trône occupé au lendemain de son sacre à l’US Open, glané au terme d’un parcours absolument dantesque. Mais le Murcien n’a pas attendu le dernier Grand Chelem de la saison pour se muer en terreur des courts. Classé 32e en début d’exercice, il a évacué sa frustrante défaite en cinq sets au troisième tour de l’Open d’Australie contre Matteo Berrettini en réalisant une tournée américaine remarquable.
Présent dans le dernier carré à Indian Wells, il est devenu – à 18 ans et 333 jours – le troisième plus jeune joueur de l’histoire à remporter un Masters 1000 du côté de Miami (après Michael Chang à Toronto en 1990 et Rafael Nadal à Monte-Carlo en 2005). La promesse d’un avenir doré confirmée sur ocre, à Barcelone puis à Madrid où le Murcien s’est offert le luxe de battre Rafael Nadal et Novak Djokovic avant de conclure son récital par un écrasant succès sur le tenant du titre, Alexander Zverev (6/3, 6/1).
A cet instant de la saison, la seule incertitude quant à sa future domination sur le circuit résidait dans sa capacité à briller au meilleur des cinq manches. Eliminé en quarts à Roland-Garros après un énorme combat face à Sascha puis en huitièmes de finale à Wimbledon par Jannik Sinner, le protégé de Juan Carlos Ferrero semblait alors encore avoir des limites. Un dernier doute qui a littéralement volé en éclats lors de sa fabuleuse campagne new-yorkaise.
Des coups magiques aux frappes monstrueuses en passant par des déplacements ahurissants, Carlitos a rallié la finale après trois combats en cinq sets dont un duel d’anthologie de 5h15 livré face à Sinner en quarts de finale. Et comme si la pression liée à l’opportunité de remporter un premier Majeur ne suffisait pas, son dernier challenge contre Casper Ruud promettait le toit du monde à l’heureux vainqueur.
Malgré la fatigue et l’enjeu, l’Espagnol n’a pas manqué son rendez-vous avec l’histoire et a poursuivi son règne pour devenir le premier joueur hors "Big 4" à terminer la saison sur le trône depuis Andy Roddick en 2003. "C’est fou ! Je n’aurais jamais pensé pouvoir réaliser ça à 19 ans. Tout est arrivé très vite, c’est incroyable. C’est quelque chose dont je rêve depuis que je suis enfant, depuis que j’ai commencé à jouer au tennis" confiait-il au soir de son couronnement. L’hégémonie ne fait peut-être que débuter.
Djokovic en maître
Privé d’Open d’Australie, d’US Open et dépossédé de son titre Porte d’Auteuil en quarts de finale par son rival historique, c’est peu dire que Novak Djokovic a vécu une saison très particulière. Pourtant lorsqu’on en dresse le bilan, son exercice 2022 reste remarquable. Le recordman du nombre de semaines passées au sommet de la hiérarchie (373) a brillé presque partout où il est passé.
Vainqueur du Masters 1000 de Rome, il a pleinement assumé son statut à Wimbledon en y décrochant un 7e titre, le 21e en Grand Chelem. "Je n’ai pas de mots pour exprimer ce que ce tournoi et ce trophée signifient pour moi, mon équipe et ma famille. Il a toujours été et sera toujours le plus spécial dans mon cœur, celui qui m’a inspiré et motivé lorsque j’ai commencé à jouer au tennis dans une petite station de montagne en Serbie" expliquait-il après son sacre.
De nouveau en mission, le natif de Belgrade s’est distingué à Tel Aviv puis à Astana pour définitivement valider son ticket pour le Masters. Après une superbe finale perdue au Rolex Paris Masters contre le phénomène Holger Rune, c’est un "Djoker" définitivement retrouvé qui s’est présenté en favori à l’occasion du dernier rendez-vous majeur de l’année.
Une étiquette pleinement assumée par le désormais n°5 mondial, auteur notamment d’une performance hallucinante en phase de poule dans une rencontre pourtant sans enjeu contre Daniil Medvedev (6/3, 6/7(5), 7/6(2) en 3h11). Seul ancien vainqueur présent dans le dernier carré, il s’est ensuite montré plus solide dans les moments importants face à Taylor Fritz (7/6(5), 7/6(6)) avant de donner une leçon de réalisme et de maîtrise à Casper Ruud en finale (7/5, 6/3).
De quoi égaler le record de Roger Federer au Masters (6) et devenir au passage le vainqueur le plus âgé de l’histoire des ATP Finals (35 ans) : "Je me considère toujours comme le meilleur joueur du monde. Peu importe qui est en face, la surface ou la saison, j’ai ce genre de mentalité et d’approche. J’ai eu une fin d’année incroyable et les ambitions sont aussi élevées que possible. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, mais je sais que j’ai faim de trophées". Une fin de saison en apothéose qui laisse augurer le meilleur pour le Serbe en 2023.
Des challengers nombreux et talentueux
Si cette saison s’est avérée passionnante, c’est aussi grâce aux nombreux protagonistes qui se sont installés à la table de ce nouveau "Big 3". Le premier d’entre eux est sans aucun doute Casper Ruud. Titré à de nombreuses reprises en ATP 250 et membre du Top 10 depuis octobre 2021, le Norvégien a franchi un énorme cap cette année en ralliant les finales du Masters 1000 de Miami puis de Roland-Garros et l’US Open avant d’échouer une nouvelle fois à ce stade au Masters de Turin. Une régularité nouvelle dans les grands rendez-vous loin d’être anodine pour le troisième mondial, qui aura très certainement pour ambition de briser ce dernier plafond de verre dans les prochains mois.
Davantage malheureux en Majeur malgré deux marathons en cinq sets face à Medvedev en Australie et contre Nadal à Roland-Garros, Félix Auger-Aliassime a quant à lui joué les rouleaux compresseurs en fin d’année. Vainqueur de trois titres consécutifs en octobre (Florence, Anvers et Bâle) et de 16 matchs de suite jusqu’à sa défaite en demi-finale du Rolex Paris Masters, le natif de Montréal est passé de la 13e place mondiale (après son élimination précoce au deuxième tour de l’US Open) à la 6e, pour se qualifier avec brio pour son premier tournoi des maîtres. Il a également conclu son excellent automne en contribuant pleinement au sacre du Canada en Coupe Davis.
Son bourreau au Rolex Paris Masters a lui aussi marqué les esprits. Pleinement révélé à Roland-Garros suite à sa victoire sur Stefanos Tsitsipas en huitièmes de finale, Holger Rune a définitivement conquis Paris en soulevant l’Arbre de Fanti sous les yeux d’un Novak Djokovic déçu mais admiratif du parcours du jeune Danois (19 ans). Avant ce dernier rendez-vous, il avait en effet battu quatre autres top 10 en éliminant successivement Hubert Hurkacz (n°10), Andrey Rublev (n°9), Carlos Alcaraz (n°1) et donc Félix Auger-Aliassime (n°8). Une masterclass qui en appelle d’autres pour la nouvelle "Next Gen" dont le rassemblement à Milan en novembre a couronné Brandon Nakashima.
Un exercice 2022 également marqué Taylor Fritz (vainqueur à Indian Wells et demi-finaliste des ATP Finals pour sa première participation) ou encore par les retours attendus de Dominic Thiem, Stan Wawrinka et Borna Coric, vainqueur du Masters 1000 de Cincinnati.
Les majestueux adieux de Roger
Quelques jours après le formidable show organisé en l’honneur de Serena Williams à l’US Open, le circuit ATP a également dû se résoudre à faire ses adieux à l’une de ses plus grandes icônes. Après 24 ans de carrière, 310 semaines au sommet de la hiérarchie, 1526 matchs disputés sur le circuit professionnel et 103 titres remportés (20 Grands Chelems, 6 Masters, 28 Masters 1000, une Coupe Davis et deux médailles olympiques), Roger Federer a décidé de mettre un terme à son aventure.
Au-delà des chiffres accolés à cet immense champion, c’est son jeu, son attitude et sa personnalité qui manqueront terriblement sur les courts. "J’ai été surpris de voir à quel point les gens ont parlé de ma personnalité ou de mon jeu, comme étant ce qui restera dans le sport. Moi, je pensais que tout le monde allait se jeter dans les supers records, ce que j’ai réussi ou pas, alors qu’en fait non. La notion de longévité, le fait d’avoir connu l’ancienne génération est plus important" a-t-il confié.
Annoncée sur les réseaux sociaux, cette décision a également fait l’objet d’une cérémonie grandiose lors de la Laver Cup organisée fin septembre. Aux côtés de ses amis et plus grands rivaux, le "Maestro" a disputé un dernier match en double en compagnie de Rafael Nadal avant de recevoir de nombreuses ovations plus que méritées. "Ce n’était pas censé se passer comme ça. J’étais juste content de jouer au tennis et de passer du temps avec mes amis, vraiment. Et puis je me suis retrouvé ici. Ç’a été un voyage incroyable. Je referais tout de la même façon", a-t-il commenté au micro de Jim Courier après la rencontre.
Une dernière réunion du fameux "Big 4" pour tourner avec classe et émotion l’une des plus belles pages de ce sport. Reste désormais aux légendes restantes et à leurs disciples de continuer d’écrire l’histoire et ce dès janvier 2023.