J6 : la carte postale de Roland

Anecdote, tranche de vie, moment fort... Chaque jour, Roland-Garros vous envoie sa carte postale.

 - Roland-Garros

Cher public,

Me voici bien arrivé en Italie, un magnifique pays de tennis qui, si tu me pardonnes l'expression, semble cette année complètement à ma botte. En fait, cela fait longtemps que je ressens chez moi un parfum de Dolce Vita mais là, c'est le summum. Il y a bien sûr Jannik Sinner, qui fait partie des principaux favoris. Et dans la foulée du n°2 mondial, qui a d'ailleurs de bonnes chances de passer n°1 au terme de la quinzaine, s'est instaurée une dynamique impressionnante.

Ce vendredi, tu l'as vu, Matteo Arnaldi a enchanté le court Suzanne-Lenglen, sur lequel il a assommé Andrey Rublev au terme d'un match quasi parfait. Et ce, juste après sa copine d'enfance Elisabetta Cocciaretto, qui s'est elle aussi qualifiée pour les huitièmes de finale, une première en Majeur. Ce samedi, on va voir jouer Jasmine Paolini (contre Bianca Andreescu) et Lorenzo Musetti, qui va défier Novak Djokovic. Plus tôt dans la semaine, ils étaient huit Italiens à avoir franchi mon premier tour, un record en Grand Chelem. Et ils étaient aussi présents en masse en qualifications. Bref, une litanie d'Italiens.

Je m'en réjouis parce que, vois-tu, j'ai historiquement une connexion spéciale avec le tennis transalpin. Remember Nicola Pietrangeli, joueur fabuleux et personnage romanesque, auteur du doublé chez moi en 1959 et 1960. Remember le charismatique Adriano Panatta, vainqueur en 1976, seul joueur à avoir battu l'immense Björn Borg dans mes murs, et même deux fois. Remember la lionne Francesca Schiavone, titrée ici en 2010 puis finaliste en 2011, un an avant Sara Errani, qui s'est encore bien amusée ici cette année, à 37 ans. Schiavone et Errani, en plus de Flavia Pennetta, qui avait gagné l'US Open, ce sont d'ailleurs celles qui ont amorcé la renaissance italienne, après des années bien plus creuses.

Ce qui me frappe dans chacun des champions et des championnes cités, au-delà de leur appétence pour la terre battue, c'est qu'ils ont tous des styles très différents, mais tous un vrai point commun : un sens du jeu phénoménal. Ça lifte, ça chipe, ça glisse, ça amortit, ça varie… Les joueurs italiens ont l'art de construire un point et je décèle rarement chez eux des erreurs tactiques. Comme on dit chez moi, ils "puent" le tennis. Et quelque part, leur absence de style bien défini, c'est aussi ça, le style à l'italienne. J'ai même envie de dire, la classe à l'italienne.

Le sujet m'intéresse car j'aime bien analyser le jeu de mes champions sous un prisme géoculturel. Et chez les Italiens se dessine, logiquement, une sorte de mix entre la France et l'Espagne : d'un côté, la pureté technique et la variété des genres que l'on retrouve chez nous ; d'un autre, un culte de l'ocre tout à fait hispanique. Celui-ci est peut-être un peu moins prégnant chez Jannik Sinner, dont les origines du nord de l'Italie, non loin de la frontière autrichienne, se reflètent aussi dans son tennis, moins latin mais plus puissant, plus directif. Et dans son genre, là encore, c'est tellement beau, tellement pur. Vraiment, le tennis italien est un enchantement et je crois que nous nous apprêtons à vivre, grâce à lui, un week-end plein d'arômes. Forza !