Après des adieux émouvants et réussis, des surprises et des confirmations, Madrid a vécu deux incroyables batailles en guise de bouquet final. Un tournoi qui se refusait jusqu’ici à la numéro un mondiale Iga Swiatek, brillante pour corriger cette anomalie. Envers et contre tout, Andrey Rublev a quant à lui glané le deuxième Masters 1000 de sa carrière.
Madrid : Swiatek enfin couronnée, Rublev résiste à tout
Au terme d’un dernier week-end exceptionnel, la Caja Magica a anobli deux nouveaux très beaux champions.
Swiatek complète son incroyable collection
"Bon, qui va dire maintenant que le tennis féminin est ennuyeux ?" a lancé Iga Swiatek quelques minutes après avoir remporté un thriller exceptionnel de 3h11 (7/5, 4/6, 7/6(7)) face à la championne en titre Aryna Sabalenka. Des échanges irrespirables, des coups tactiques, de la puissance, des renversements de situation et un suspense à son paroxysme en fin de rencontre : difficile de donner tort à la patronne du circuit, ébouriffante de talent et de détermination pour prendre sa revanche malgré un break de retard dans le set final et trois balles de matchs écartées (deux à 6-5 et une dans le jeu décisif) !
Une attitude conquérante du premier au dernier point dont elle a été la première surprise. "Je pense que ça a été ma finale la plus folle et la plus intense, a expliqué la championne. J’ai été surprise de constater que c’est dans le troisième set que je me suis sentie le mieux mentalement. J’ai eu l’impression de m’acharner pendant les deux premières heures sans que ça ne fonctionne."
Mais heureusement, la Polonaise s’est inspirée d’un très bon exemple pour s’accrocher jusqu’au bout et ainsi soulever le dernier grand trophée sur ocre qui manquait à son palmarès. "Ce qui m’est venu à l’esprit, c’est que Rafa a joué plusieurs matchs comme ça, a-t-elle confié. Je me souviens très bien de son match face à Medvedev (en finale de l’Open d’Australie 2022) et du moment où il a eu le déclic. Il a lutté pendant longtemps, il était tendu et stressé aussi je pense. Ça m’a donné l’espoir d’avoir le déclic, même après deux heures de jeu."
Plus jeune joueuse (22 ans) à compter 20 titres (dont 4 en Grand Chelem et 9 en WTA 1000) depuis Caroline Wozniacki en 2012, "1ga" a remporté ses sept dernières finales et possède le plus grand nombre de victoires cette saison (30), à égalité avec Elena Rybakina. Des chiffres affolants pour celle qui n’a jamais été au bord du gouffre à l’occasion de ce 10e affrontement face à son actuelle dauphine (elle mène 7-3), mais qui a dû puiser dans ses ressources mentales et tennistiques pour canaliser la puissance et les nombreuses velléités adverses. Car cette finale n’aurait pas eu la même saveur sans une très grande Aryna Sabalenka.
Déjà poussée au meilleur des trois manches à quatre reprises durant sa quinzaine, la championne de l’Open d’Australie a encore un peu plus élevé son niveau de jeu, se prouvant à elle-même qu’elle avait toute sa place au sein du Big 3 (elle a battu Elena Rybakina dans le dernier carré), qu’elle considérait pourtant ces derniers temps comme un Big 2. "Je veux vraiment jouer plus de finales contre Iga, a-t-elle déclaré à l’issue de la rencontre. J’espère vraiment que nous serons capables de maintenir ou d’augmenter notre niveau chaque année et le simple fait de faire partie de ce Big 3 comme vous l’appelez, c’est incroyable. Ça me motive beaucoup pour continuer à travailler et à m'améliorer pour rivaliser et remporter autant de victoires que possible contre elles."
A l’issue du tournoi, fans et observateurs ne peuvent être qu’en accord avec l’analyse de ces deux immenses joueuses : personne ne s’est ennuyé devant cette finale grandiose et tout le monde en redemande.
Rublev au bout de lui-même
Au lendemain de ce prodigieux spectacle, le public confortablement installé dans les tribunes du court Manolo Santana a assisté à une affiche bien plus inattendue. Sur une série de quatre défaites consécutives avant de poser les pieds dans la capitale espagnole, Andrey Rublev avait rendez-vous avec Félix Auger-Aliassime, novice à ce stade la compétition en Masters 1000 et très loin de son meilleur niveau ces derniers mois.
Si le vainqueur du tournoi de Monte-Carlo 2023 a notamment éliminé Carlos Alcaraz puis Taylor Fritz pour atteindre la finale, son adversaire a connu une quinzaine bien plus décousue. Avant cette dernière rencontre, le Canadien n’avait en effet disputé que deux rencontres en intégralité, profitant des abandons ou des forfaits de Jakub Mensik (au 2e tour), Jannik Sinner (en quarts) et Jiri Lehecka (en demie).
Et pour ajouter du bizarre à cette bizarrerie, "Rublo" a souffert de symptômes grippaux (fièvre, maux de tête, gorge inflammée) et d’une douleur à un orteil au point de devoir anesthésier son pied et de prendre des médicaments tout au long de la compétition. Mais malgré ces nombreux vents contraires, c’est bien lui qui s’est imposé au courage et au forceps à l’issue d’une rencontre très disputée (4/6, 7/5, 7/5 en 2h48). "C’est le titre dont je suis le plus fier, j’étais presque mort tous les jours, je ne dormais pas la nuit, a confié celui qui retrouve le 6e rang mondial grâce à ce deuxième sacre en Masters 1000. Si vous saviez ce que j’ai vécu ces neuf derniers jours […] Je suis toujours malade et demain, je vais aller à l’hôpital pour un examen complet."
Bien mal engagé dans cette partie, Andrey Rublev est parvenu à maîtriser ses nerfs avant de monter en puissance et de prendre les commandes en fond de court. Très agressif sur le revers adverse, il a trouvé la faille et a maintenu le rythme jusqu’au dernier point, malgré la très belle résistance de FAA. Au vu de ses récentes performances et du contexte très particulier de ce sacre, cette aventure madrilène ressemble à s’y méprendre à une libération pour le joueur de 26 ans. "Je suis incroyablement heureux, a-t-il souri. Cette aventure a tout changé, je pense avoir développé un très bon niveau de tennis depuis mon premier match ici. Et à la fin, je remporte le titre ! C’est comme si ces dernières semaines et ces derniers tournois n’avaient jamais existé. Maintenant, la chose la plus importante est d’essayer de récupérer et d’être à 100% pour Rome."
Une ambition que partage évidemment Auger-Aliassime, qui souhaite capitaliser sur ce très bon résultat dans les prochaines semaines : "Bien sûr, j’ai vécu une semaine bizarre avec ces forfaits mais je vais aborder la suivante avec la même confiance. Dès mon arrivée ici, j'ai senti que je pouvais bien jouer. A Rome, ce sera la même chose, je vais essayer de continuer d’aller de l'avant, de faire ce que je sais faire, de ne pas me mettre trop de pression et de profiter."
Rendez-vous donc au Foro Italico du 8 au 19 mai avant le début des hostilités à Roland-Garros (du 20 mai au 9 juin).