Quatre "novices" sous les projecteurs

Focus sur quatre joueuses qui s'apprêtent à disputer ici leur premier huitième de finale en Grand Chelem.

 - Hugo Rondet et Rémi Bourrières

Si les patronnes du circuit féminin ont pris l'habitude ces derniers mois de faire régner l'ordre, avec un "Big Two" Iga Swiatek - Aryna Sabalenka clairement détaché du reste de la concurrence, ce Roland-Garros est néanmoins traversé – dans tous les sens du terme - par un fort vent de fraîcheur, avec pas mal d'invitées surprises à la fête.

Pas moins de six joueuses vont en effet disputer, entre dimanche et lundi, leur tout premier huitième de finale en Grand Chelem. Anastasia Potapova, une valeur sûre du circuit depuis un certain temps, et Emma Navarro, qui est tête de série, pouvaient être attendues à ce niveau. Mais pas forcément Varvara Gracheva, Olga Danilovic, Clara Tauson et Elisabetta Cocciaretto, que nous vous invitons ici à découvrir.

Gracheva, un si grand soleil

Elle a repris à tue-tête la Marseillaise spontanément entonnée par le public du court Suzanne-Lenglen, après sa qualification pour la deuxième semaine aux dépens d'Irina-Camelia Begu. Varvara Gracheva avait appris les paroles par cœur, comme un symbole d'intégration à un pays où elle vit depuis 2016 et dont elle a pris la nationalité il y a un an tout juste. Entre elle et la France, ça y est : l'union est définitivement sacrée.

Pour son premier Roland-Garros sous ses nouvelles couleurs, la sociétaire de l'Elite Tennis Center de Cannes, qui a également accueilli sa prochaine adversaire, Mirra Andreeva, a donc atteint son premier huitième de finale en Majeur. Et elle l'a fait avec un leitmotiv : profiter à 100% de ce baptême du feu, s'imprégner de l'énergie et des émotions données par le public. Bref, au-delà du résultat, juste "kiffer".

La méthode lui réussit. Sans jamais se départir de son sourire contagieux, avec ses faux airs de Monica Seles, la protégée de Xavier Pujo a créé sa propre brèche dans son tableau, en sortant d'entrée Maria Sakkari (n°6). Et elle s'y est engouffrée en retrouvant son meilleur tennis, qu'elle avait pourtant perdu lors d'un début de saison très compliqué, marqué notamment par une série de sept défaites d'affilée entre janvier et mars. Pourtant, elle occupait alors son meilleur classement (39e) après avoir remporté l'an dernier à Austin son premier WTA 250. Comme un symbole de sa propre histoire, Varvara Gracheva connait, à 23 ans, une superbe renaissance parisienne.

Elle a dit : "C'est un moment que je vais garder en mémoire jusqu'à la fin de ma vie. Je n'avais même pas réalisé que c'était ma première ici à Roland-Garros, jusqu'à ce que le speaker le dise. Le public, cette atmosphère, cette ambiance… C'était immense. Je suis tellement contente et fière."

Danilovic, un torrent de larmes

Du combat, des retournements de situation et des larmes de bonheur. Tel est le résumé de la première semaine (et même des deux premières semaines) vécue(s) à Paris par Olga Danilovic, l'une des très belles histoires du tableau féminin. Issue des qualifications, la Serbe de 23 ans a rejoint ses premiers huitièmes en Majeur au terme de deux matchs "marathon". Et renversants.

Après avoir créé l’une des premières sensations de cette édition face à la tête de série n°10 Danielle Collins (6/7(3), 7/5, 6/4 en 2h36), la native de Belgrade a retourné une situation compromise face à Donna Vekic (0-6, 7-5, 7-6(8) en 3h08). Elle a désormais rendez-vous avec Marketa Vondrousova, finaliste en 2019.

Une manière pour Danilovic de rattraper le temps perdu. Spécialiste de terre battue, surface sur laquelle elle a remporté son unique titre WTA à Moscou en 2018, l’ancienne 5e mondiale juniors a longtemps vu sa route freinée par une blessure chronique au genou droit, qui ne lui a pour l’instant pas permis d’intégrer durablement le top 100.

Proche de Novak Djokovic, fille de l’ancien basketteur NBA Predrag Danilovic et compagne du gardien de l’Atlético de Madrid Jan Oblak, la pépite serbe est bien entourée et semble enfin prête à exploser au plus haut niveau.

Elle a dit : "J'aime jouer à Paris, sans trop savoir pourquoi et je ne veux pas savoir pourquoi, parce que c'est toute la magie du truc. J'ai mis mon téléphone de côté et tout le reste pour savourer le moment."

Clara, la Tauson d'or

Elle aussi a vu sa trajectoire ralentie par des soucis physiques. Après une prolifique carrière chez les juniors (victoire à l'Open d'Australie 2019 face à Leylah Fernandez) et des débuts fracassants chez les grandes, Clara Tauson a longtemps attendu son heure. Et il semble que celle-ci a sonné cette semaine à Roland-Garros, où la jeune Danoise avait déjà créé une belle surprise en 2021 (à 17 ans) en éliminant Jennifer Brady, tête de série n°25 cette année-là. Avant de boucler une saison pleine, achevée aux portes du top 30 et marquée par deux titres WTA 250, à Lyon et à Luxembourg.

Clara Tauson, Roland-Garros 2021 first round©️  Andre Ferreira/FFT
Clara Tauson lors de l'édition 2021 de Roland-Garros.

Ensuite, des problèmes de dos ont ralenti sa progression. Maintenant qu'elle semble en être débarrassée, la puissante droitière, 21 ans, retrouve toute sa force de frappe sur ce Roland-Garros, où elle a éliminé Tatjana Maria au premier tour, puis deux anciennes gagnantes en Grand Chelem, Jelena Ostapenko (7/6(4), 4/6, 6/3) et Sofia Kenin (6/2 7/5). Ons Jabeur, sa prochaine adversaire ce dimanche, est avertie.

Elle a dit : "C'est une sensation incroyable. J'étais émue aux larmes après ma victoire (au troisième tour). Ça ne m'était jamais arrivé auparavant. Je me sens de plus en plus à l’aise et déterminée dans mon jeu. Je ne veux pas essayer de jouer comme quelqu’un d’autre.

Cocciaretto, la Dolce Vita

Dans un tournoi marqué par une belle razzia italienne, Elisabetta Cocciaretto n'était pas forcément la plus attendue des Transalpins à la fête de la deuxième semaine. C'était mésestimer, peut-être, son amour de Roland-Garros et son historique à Paris, où elle avait décroché l'année dernière son unique – jusqu'à présent – victoire face à une joueuse du top 20, en l'occurrence Petra Kvitova.

Un capital qu'elle a donc triplé lors de cette édition 2024, qui l'a vue battre la demi-finaliste sortante Beatriz Haddad Maia (n°14) au premier tour et Liudmila Samsonova (n°17) au troisième tour. Comme son ami Matteo Arnaldi, qui a le même âge (23 ans) et qu'elle connaît depuis l'enfance, la voilà donc en huitièmes de finale, stade auquel elle aura l'immense tâche de se mesurer à la finaliste de l'édition 2022, Coco Gauff, qui l'a battue cette année à Dubaï.

Un défi auquel la petite coccinelle italienne, 51e joueuse mondiale, native d'Ancône sur les bords de la mer Adriatique, s'attaquera avec ses armes à elle, dans le plus pur style transalpin : un grand sens tactique, une vraie expertise de la terre battue et un cœur gros comme ça.