Six faits qui ont rendu ce "Djokodal" extraordinaire

Rafael Nadal et Novak Djokovic ont disputé mardi un match magnifique, qui pour plusieurs raisons va rester dans l'histoire.

Rafael Nadal Novak Djokovic Roland-Garros 2022©Cédric Lecocq / FFT
 - Rémi Bourrieres

Roland-Garros est très loin d'être terminé, bien entendu. Mais il a en quelque sorte connu un premier épilogue dans la nuit de mardi à mercredi avec ce quart de finale tant attendu entre Novak Djokovic et Rafael Nadal, remporté par ce dernier après quatre sets de toute beauté (6/2, 4/6, 6/2, 7/6 en 4h12). Un match extraordinaire, pour (au moins) six raisons.

1 - C'était un match de tous les records

C'était le 59e "Djokodal" de l'histoire (30-29 désormais pour Djokovic), le 18e en Grand Chelem (11-7 Nadal), le 10e à Roland-Garros (8-2 Nadal), autant de records absolus. C'était aussi le premier match de tennis opposant deux joueurs comptant au moins 20 titres du Grand Chelem (21 même pour Nadal), plus de 1000 victoires en carrière dont plus de 300 dans des tournois majeurs. Un Blockbuster absolu.

Depuis leur premier affrontement en 2006, à Roland-Garros évidemment, il n'y a pas eu une année où les deux légendes ne se sont pas affrontées. Soit 17 saisons consécutives (là encore un record) sans interrompre le fil rouge d'une rivalité qui s'est imposée désormais comme la plus grande de l'histoire du tennis. Par les chiffres, c'est une certitude. Par la qualité et la force symbolique, même si c'est plus subjectif, ça devient de plus en plus vrai.

2- C'était l'un des plus beaux

Il a manqué un petit quelque chose pour que ce "Djokodal" devienne possiblement l'un des plus grands de leur rivalité. Le fait que ce ne soit qu'un "simple" quart de finale ; quelques moments de creux (très relatifs…) de part et d'autre ; le manque d'un 5e set, qui aurait pu faire basculer ce match dans l'irréel et l'infini.

Ça n'en est pas moins resté un match d'anthologie, le 7e entre les deux hommes dépassant les 4h (4h12 précisément), leur deuxième plus long à Roland-Garros après leur monumentale demi-finale de 2013 (remportée par Nadal 4h37). Une minute plus long que leur non moins stratosphérique demi-finale de 2021 (remportée par Djokovic en 4h11).

Assurément l'un de leurs matchs dont on se souviendra le plus, avec aussi leur demi-finale de Madrid 2009, leur finale de l'US Open 2011 et de l'Open d'Australie 2012, ou encore leur demi-finale de Wimbledon 2018.

3 - C'était une soirée hors du temps

Tout a été dit sur le contexte extrêmement particulier de cette rencontre, qui a fini par basculer dans une drôle de dimension spatio-temporelle en ayant débuté au mois de mai, le 31 au soir, pour s'achever au mois de juin, à 1h15 du matin, ce qui a failli en faire la rencontre la plus tardive de l'histoire de Roland-Garros. Nadal lui-même avait fait "mieux", en 2020, lors d'un autre quart de finale contre Jannik Sinner qui s'était terminé à 1h26.

L'histoire encore très courte des sessions de soirée à Roland-Garros a pris du galon avec cette rencontre qui a tenu en haleine de bout en bout les spectateurs du court Philippe-Chatrier, plein à craquer jusqu'à la balle de match. Pour beaucoup, les yeux piquaient sans doute un peu au lendemain de cette folle nuit. Mais les cœurs, eux, étaient à la fête.

4 - C'était un scénario inattendu

Avant mardi soir, les suiveurs du tennis étaient quasiment tous unanimes sur un point : Djokovic était favori, voire grand favori, de cette rencontre. Un constat basé sur la forte impression laissée par le Serbe depuis trois semaines (neuf matchs et 22 sets remportés consécutivement entre son titre à Rome et sa première semaine parisienne), contrastant avec les doutes ayant escorté Nadal à son arrivée Porte d'Auteuil, après le réveil de sa blessure au pied.

Au bout du compte, pas grand-monde n'attendait l'Espagnol à ce niveau, sûrement pas tennistiquement et encore moins physiquement. Peut-être même pas lui. Et sans doute pas Djokovic non plus, qui, même s'il s'est déclaré ensuite "pas surpris" par le fait de voir son grand rival renaître ainsi de ses cendres, a tout de même donné l'impression d'un joueur cueilli à froid.

5 - C'était peut-être la finale avant la lettre

C'était en tout cas le match le plus attendu du tournoi, entre les deux principaux favoris au titre, aux côtés de Carlos Alcaraz. Et comme ce dernier est tombé aussi, face à Alexander Zverev, il n'en reste donc plus qu'un : Rafael Nadal, qui pourra désormais difficilement se cacher derrière ses récents soucis pour avancer masqué. Cette fois, plus de doute ni de tergiversation, le maître des lieux est bel et bien le seul favori pour décrocher un 14e Roland-Garros.

Ceci étant dit, tout cela ne présage en rien de la suite. L'Espagnol vient quand même d'enchaîner deux énormes combats de plus de 4h (après son succès en cinq sets sur Félix Auger-Aliassime en huitièmes) et peut y avoir laissé beaucoup d'influx. On n'oublie pas que la dernière fois qu'un "Djokodal" avait eu lieu dès les quarts à Roland, en 2015, Djokovic, qui en était sorti vainqueur, avait fini par craquer en finale, battu par un immense Stan Wawrinka.

Le plus dur est fait, peut-être, pour Rafael Nadal. Mais tout n'est pas fait pour autant, (très) loin de là.

6 - Et si c'était le dernier ?

Là, on est dans la spéculation pure et dure, voire dans le fantasme. Mais impossible de ne pas y penser. Surtout quand Rafael Nadal sous-entend en conférence de presse que ce Roland-Garros pourrait être son dernier, la suite de sa carrière restant suspendue à l'évolution de sa blessure au pied. Avec le temps, les "Djokodal" se font plus rares – les deux hommes ne s'étaient plus affrontés depuis leur demi-finale l'an passé – et si rien ne permet aujourd'hui de dire qu'on ne les reverra plus jamais face-à-face sur un court, il n'est pas non plus surréaliste de l'envisager.

Si tel était le cas, la boucle serait bouclée : c'est à Roland-Garros qu'a eu lieu le premier "Djokodal" de l'histoire en 2006. Ce serait à Roland-Garros qu'aurait eu lieu le dernier, 16 ans plus tard. On se souviendrait alors à jamais de ce 31 mai/1er juin 2022. Mais on n'en est pas là…