Un homme, une histoire

Arthur Larsen est un joueur brillant et imprévisible, mais aussi un personnage bohème et étrange…

 - Julien Pichené

Très souvent comparé à James Dean et sa fureur de vivre, le joueur américain Arthur Larsen (1925-2012), finaliste de Roland-Garros 1954, avait tout du rebelle.

Rebelle, oui, mais avec une cause : jouer au tennis pour échapper aux démons qui le hantaient.

Arthur Larsen© Gil de Kermadec/FFT

Georges, tu vas gagner tranquillement : ton adversaire n’a pas dormi !“ Dans les coulisses, l’issue du match ne fait aucun doute. Arthur Larsen a traîné toute la nuit. Une fois de plus, le finaliste de l’édition 1954 arrive les traits creusés par une nuit blanche.

Mais cela n’empêchera pas le gaucher américain, au style de jeu brillant et imprévisible, de battre sèchement le Français Georges Deniau (6/0, 6/2, 6/2) ! C’est l’une des mille et une histoires qui circulent autour de ce joueur incroyable qui affirmait volontiers sa différence : “J’ai toutes les apparences d’un type normal, mais je n’en suis pas un.“

“Tappy“, libertaire et adoré des femmes

Né à Los Angeles en 1925, Larsen a écrit les premières lignes de sa légende pendant la Seconde Guerre mondiale. À plusieurs reprises, il échappe en effet miraculeusement à la mort. Lorsqu’il reprend le tennis en 1947, c’est un autre homme qui est au bout de la raquette. Un bohème à l’âme d’enfant un peu libertaire et adoré des femmes, qui entend bien croquer la vie à pleines dents.

Fumeur invétéré, il a toujours un verre ou une cigarette à la main. “Que voulez-vous, je ne sais jamais quoi faire de mes mains !“, s’amusait-il à dire. Superstitieux au point de tapoter du doigt tous les objets se trouvant à sa portée, ce qui lui vaut le surnom de “Tappy”, Arthur Larsen a tout sauf le profil du sportif moderne.

Arthur Larsen© Gil de Kermadec/FFT

Il est toujours le dernier à quitter le stade le soir, ne s’entraîne jamais, ne se change jamais après un match, et reste souvent des heures dans les vestiaires, en slip et clope au bec, perdu dans ses rêveries.

Quand il ne fait pas de nuit blanche, il ne se couche pas avant 3 ou 4 heures du matin. On raconte même qu’il serait venu un jour disputer un match important à Roland-Garros en ayant oublié ses raquettes à l’hôtel.

Son aigle imaginaire perché sur l'épaule...


Lunaire, cet oiseau de nuit a un secret inavouable : il “vit” avec un aigle perché sur son épaule. Un aigle imaginaire, bien sûr. C’est sa lubie. Larsen est souvent vu en train de lui parler.

À Wimbledon, il sidère un contrôleur en lui demandant s’il peut entrer avec son aigle dans le stade. À Forest Hills, il fait bâcher les quatre aigles en marbre qui surplombent le court pour ne pas perturber le sien…

Sa carrière s’arrête tragiquement en 1956, quand un grave accident de scooter le laisse paralysé du côté droit.