Iga Swiatek a fondu en larmes, samedi, après avoir remporté une formidable finale dames de Roland-Garros face à Karolina Muchova (6/2, 5/7, 6/4), qui l'a menacée comme personne ne l'avait fait lors de ses trois premières finales de Grand Chelem. Jamais sans doute on n'avait vu la Polonaise aussi touchée. Et cela s'explique.
Swiatek, son plus beau titre ?
De gros enjeux, quelques frayeurs, de l'émotion… Le 4e titre du Grand Chelem d'Iga Swiatek, son 3e à Roland-Garros, a peut-être été le plus beau.
L'égale de Seles, Sanchez et Serena
Sous son inamovible casquette, Iga Swiatek a fait tomber le masque. Après avoir accueilli cette cruelle double faute de Karolina Muchova qui lui a offert le titre au bout d'une finale magnifique, elle s'est agenouillée, fauchée par l'émotion. Puis, au moment d'aller rejoindre les siens dans sa box, elle s'est agenouillée encore une fois sur la terre battue du court Philippe-Chatrier. Et cette fois, plus de doute. Elle était en larmes. La "machine" Swiatek avait fendu l'armure.
Troisième Roland-Garros pour la Polonaise, après ses titres en 2020 et 2022. A 22 ans, elle a déjà laissé une trace aussi grande que celles de légendes comme Monica Seles, Serena Williams ou Arantxa Sanchez dans l'histoire du tournoi parisien. Quatrième Grand Chelem au total, en ajoutant son sacre à l'US Open l'an dernier. C'est phénoménal. Mais elle n'avait sans doute jamais paru aussi émue. Une émotion palpable jusqu'à la cérémonie protocolaire, durant laquelle elle fit tomber à la renverse la coiffe de la Coupe Suzanne-Lenglen.
Pourquoi un tel déferlement d'émotions de la part d'une joueuse réputée pour dissimuler tous ses tumultes intérieurs ? "Au début, c'était surtout de la surprise parce que j'avais le sentiment que Karolina allait revenir comme elle l'a fait pendant tous ses matchs précédents, a répondu la joueuse. Et puis, d'un coup, j'ai été envahie par un sentiment de bonheur. Et aussi d'épuisement. Toute la fatigue m'est retombée dessus, celle du tournoi mais aussi de toute la tournée sur terre battue, qui s'est terminée de la meilleure manière. Avec tout ce qui s'est passé, je me sens un peu comme une survivante. Je crois que plus jamais je ne douterai de ma force après ça."
Jamais en effet la Polonaise n'avait dû autant lutter lors de ses trois précédentes finales en Grand Chelem, toute gobées sans perdre un set. Après le gain du premier set face à Muchova, elle est d'ailleurs devenue la première joueuse, hommes et femmes confondus, à remporter les sept premières manches de ses finales en Grand Chelem. Les choses, on l'a vu, se sont ensuite sérieusement corsées, comme elles s'étaient déjà corsées en demies avec une balle de 2e set sauvée contre Beatriz Haddad Maia.
Mais Iga Swiatek est restée forte dans la tempête, prouvant une nouvelle fois sa formidable capacité de résistance face aux vents contraires. Ce Roland-Garros fut donc son plus dur, et en dépit d'un début de quinzaine en roue libre, les difficultés avaient commencé en amont. La Polonaise était arrivée avec quelques incertitudes après son abandon en demi-finales à Rome contre Elena Rybakina en raison d'une douleur à la cuisse. A Paris, pour la première fois depuis son accession à la tête du classement mondial en avril 2022, sa place de n°1 était sous la menace. Elle l'aurait abandonnée à Aryna Sabalenka en cas de faux-pas avant les quarts de finale.
Depuis le début de la saison, la Polonaise ne cesse de subir les assauts de sa dauphine, qui s'était imposée - jusqu'à sa défaite en demies jeudi contre Muchova - comme la meilleure joueuse du début de saison 2023. Au fil des derniers mois, le règne de Swiatek avait aussi été sérieusement écorné par les coups de griffe d'Elena Rybakina, qui l'a battue trois fois sur trois cette saison. Deux fois dans des matchs dont Swiatek est sortie touchée physiquement, à Rome (cuisse), on l'a dit, mais aussi à Indian Wells (côte).
A chaque fois, Iga Swiatek a su revenir. Et même encore plus forte. En triomphant à Roland-Garros, elle a remis en quelque sorte l'église au milieu du village. Et repris fermement les commandes du tennis mondial, en attendant de voir comment elle gèrera la saison sur gazon, qui lui est traditionnellement la moins favorable.
Voilà qui fait de cette victoire à Roland-Garros une victoire spéciale. La plus spéciale de toutes ? "C'est très difficile de comparer, a-t-elle répondu. Le titre de l'an dernier m'a permis de me prouver que le premier n'était pas arrivé sur un coup de chance. Celui-là a été un peu plus dur, à cause des blessures et de la pression dont vous avez parlé, en plus de la pression naturelle d'être tenante du titre. En tout cas, il est différent."
Unique, quoi qu'il en soit. Et éternel, bien entendu.