US Open 2024 – J6 : des favoris appliqués et inspirés

Marqué par les défaites successives de deux grands favoris jeudi et vendredi, le Grand Chelem américain a (enfin) connu une journée sans accroc.

Iga Swiatek / 3e tour US Open 2024©Corinne Dubreuil / FFT
 - Romain Vinot

Un samedi sans suspense ni surprise mais loin d’être dénué de saveur et de spectacle. Voici, en résumé, l'opium des heureux spectateurs du Billie Jean King National Tennis Center, qui ont assisté avec ferveur à la distribution des derniers tickets pour les huitièmes de finale du dernier Grand Chelem de la saison.

Iga boostée par Serena

Lors de leur seule et unique précédente confrontation, Iga Swiatek avait réalisé un "perfect" face à Anastasia Pavlyuchenkova (n°25) au 2e tour du WTA 1000 de Rome en 2023. Ce samedi, elle n’a perdu que six jeux pour rallier les huitièmes de finale d’un Majeur pour la 15e fois de sa carrière, la 4e consécutive à l’US Open (6/4, 6/2 en 1h32). Sûre de sa force, la numéro un mondiale a rendu une copie très propre, avec notamment 19 coups gagnants pour seulement 9 fautes directes et aucune balle de break concédée. Elle a aussi réalisé l’un des retours de service les plus fous de cette quinzaine, dont elle s’est immédiatement excusée, considérant qu’il s’agissait avant tout d’un coup de chance. La chance de la championne.

Une reine dont la routine d’avant-match a été agréablement perturbée par le passage express en salle d’échauffement de Serena Williams. Titrée à 23 reprises en Majeurs, elle n’a pas manqué d’échanger quelques mots avec sa digne héritière. "C’était vraiment sympa de la voir, elle dégage beaucoup d’énergie positive et c’est bien qu’elle soit venue sur place pour discuter avec les joueuses, a confié "1ga". Même si je l’ai déjà rencontrée par le passé et qu’on a été sur le circuit ensemble pendant quelques années, elle me fait toujours l’effet d’une star. C’est bien qu’elle se soit approchée de moi parce que je n’aurais sans doute pas trouvé le courage de le faire moi-même ! Je suis heureuse qu’elle suive le tennis et mes matchs, elle m’a dit qu’elle me soutenait. C’est toujours agréable d’entendre ça de la part de quelqu’un comme Serena. Ça m’a donné un coup de fouet très positif donc c’était sympa !"

Une autre tête de série se dresse désormais sur la route de la joueuse titrée en 2022, suite à la victoire express de Liudmila Samsonova (n°16) face à l’Américaine Ashlyn Krueger (6/1, 6/1 en 1h02). Triste pour sa jeune protégée, le public new-yorkais a toutefois pu se consoler avec le succès tranquille de sa meilleure représentante, Jessica Pegula (n°6). La championne de Toronto n’a connu aucune difficulté pour se défaire de Jessica Bouzas Maneiro, dont la légère rébellion en début de deuxième manche n’a finalement pas eu l’effet escompté (6/3, 6/3 en 1h10).

➡️ Le tableau complet du simple dames

Sinner et Medvedev ont retenu la leçon

Très au fait de l’élimination de ses deux plus grands rivaux lors des deux dernières sessions de nuit, Jannik Sinner s’est également montré très appliqué ce samedi. "Tout peut arriver dans ce sport, a-t-il simplement commenté à propos des défaites de Carlos Alcaraz et de Novak Djokovic. Je me concentre sur moi, je prends les choses au jour le jour parce que chaque adversaire est un challenge à relever. Il y a eu quelques surprises et on verra bien ce qui se passe par la suite. Je suis très heureux d’être encore là et j’espère pouvoir jouer autant de matchs que possible."

Également échaudé par son premier set manqué lors de son entrée en lice, le numéro un mondial continue de monter en puissance et ce n’est pas Christopher O’Connell qui dira le contraire. Mené 0-5 après seulement 19 minutes de jeu, l’Australien s’est davantage accroché dans la deuxième manche avant de définitivement lâcher prise. Impérial au service (15 aces, 82% de points gagnés derrière sa première), infranchissable en fond de court (46 coups gagnants pour 22 fautes directes) et tout aussi efficace au filet (18/25), le champion de Melbourne a surclassé le 87e joueur au classement ATP sous les yeux d’une ancienne boss visiblement conquise. Au passage, il est même passé tout près de signer l’un des points du tournoi from downtown, comme disent les Américains.

Qualifié sans sueur froide pour son quatrième huitième de finale consécutif à New York, le patron n’a perdu que 18 jeux lors de ses neuf derniers sets. Tommy Paul (n°14) est prévenu. Le 4e Américain à rallier le Top 16 s’est défait non sans mal de l’un des tubes de la compétition, le qualifié canadien Gabriel Diallo (6/7(5), 6/3, 6/1, 7/6(3) en 3h26).

Dans la soirée, c’est Daniil Medvedev (n°5) qui s’est chargé d’électriser le court Arthur Ashe avec le concours de son jeune adversaire de 22 ans Flavio Cobolli, novice à ce stade de la compétition (6/3, 6/4, 6/3 en 2h18). L’espace d’un instant, lorsque l’Italien a breaké son ainé dans le troisième jeu du match, les spectateurs ont probablement eu des réminiscences de la veille.

Mais le champion 2021 (le seul encore en lice chez les messieurs) n’était pas d’humeur à être victime d’une nouvelle grosse sensation. Des longs rallyes en passant par d’impressionnantes montées au filet, il a mis tout en œuvre pour que la foule éructe et que son adversaire finisse par baisser pavillon, malgré une excellente prestation. Au prochain tour, il affrontera le portugais Nuno Borges.

➡️ Le tableau complet du simple messieurs

Le miracle du jour : Borges, des frissons pour une revanche

Le match le plus difficile à décrypter ce samedi a eu lieu sur le Court 17. Opposé au talentueux Jakub Mensik, le vainqueur de l’ATP 250 de Bastad face à un certain Rafael Nadal peut se considérer comme un petit miraculé. Dos au mur dans le quatrième set, il a sauvé trois balles de match dans le tie-break avant de se dérouler le tapis rouge dans l’ultime manche (6/7(5), 6/1, 3/6, 7/6(8), 6/0 en 3h48). Déjà huitième de finaliste de l’Open d’Australie en janvier, il est devenu le premier joueur portugais de l’histoire à atteindre ce niveau de compétition à deux reprises lors de la même saison. Pour faire mieux, il devra prendre sa revanche sur son bourreau de Melbourne.

Machac – Muchova : Tchèques et mat

Si Mensik aura des regrets, les Tchèques ont tout de même réussi à marquer positivement cette 6e journée de compétition. Parmi tous les joueurs qui ont quitté Paris avec une médaille autour du cou, Tomas Machac n’était sûrement pas le plus attendu à l’US Open. Et pourtant, le champion olympique en double mixte (en compagnie de Katerina Siniakova) sera bien au rendez-vous des huitièmes de finale pour la première fois de sa carrière en Grand Chelem, le tout sans perdre le moindre set ! Il a disposé ce samedi de David Goffin (6/3, 6/1, 6/2) dans une rencontre bien moins irrespirable que leur imprédictible premier tour de Wimbledon. Véloce et puissant depuis le début de la quinzaine, il ne sera pas un cadeau pour Jack Draper (n°25), qui s’est offert le scalp de Botic van de Zandshulp (6/3, 6/4, 6/2 en 2h14). Le Néerlandais s’est montré beaucoup moins tranchant que lors de sa performance étourdissante pour bouter "Carlitos" hors du tournoi.

Très convaincante pour mettre fin aux espoirs de Naomi Osaka il y a deux jours, Karolina Muchova est restée sur sa lancée pour aisément écarter de son passage Anastasia Potapova (6/4, 6/2 en 1h13). Demi-finaliste ici-même l’an passé puis privée de compétition pendant plus de neuf mois, elle compte bien profiter de chaque instant passé sur le court. "Je suis clairement dans une position différente de celle de l’an passé, a-t-elle analysé. Je ne veux même pas me comparer à l’année dernière. Mais oui, le chemin a été semé d’embûches. J’ai subi une opération (au tendon du poignet droit, en février, ndlr) et je ne savais pas si j’allais pouvoir continuer à jouer ou non. Honnêtement, je suis très reconnaissante d’être ici et de jouer sans ressentir de douleur."

La Tchèque, dont le classement actuel (52e) ne reflète en rien son niveau et son talent, se mesurera à ce qu’il se fait de mieux sur le circuit depuis plusieurs mois en huitièmes de finale, l’Italienne Jasmine Paolini. Une rencontre au parfum de Porte d’Auteuil entre les deux dernières malheureuses finalistes et un gros test qu’elle a déjà brillamment passé à trois reprises, dont deux fois sur dur, en 2018 et 2021. Mais c’était une autre époque. "Je suis fan d’elle, a expliqué Paolini à propos de Muchova. Elle joue de manière incroyable, elle peut frapper tous les coups, le slice, la volée, le service… C'est une joueuse très complète et je pense, une adversaire très difficile. J'espère que nous allons jouer un très, très bon match."

La décla du jour : Paolini, taille patronne

Depuis le début de la saison 2024, Jasmine Paolini (n°5) enchaîne les (très) grandes premières. Et ce dernier Grand Chelem de la saison ne fait pas exception puisque la finaliste de Roland-Garros et de Wimbledon s’est qualifiée pour son premier huitième de finale à l’US, au terme d’un match rondement mené face à Yulia Putintseva (6/3, 6/4 en 1h33). Un succès qui lui permet de devenir la première Italienne de l’ère Open à atteindre ce stade de la compétition dans les quatre Majeurs la même année. Consciente de la dangerosité de son opposante – tombeuse d’Iga Swiatek à Wimbledon puis de Coco Gauff à Cincinnati –, l’Italienne de 28 ans a pris les choses en main grâce à son incroyable couverture de terrain et son agressivité en retour (4/6 balles de break converties, 22 coups gagnants et 48% de points gagnés sur le service adverse).

Caractérisée par son sourire solaire sur et en dehors des courts et par son petit gabarit (1m63), la récente médaillée d’or en doubles dames à Paris a défendu avec humour les "petites joueuses" en interview d’après-match. "Nous sommes rapides sur le court et on peut vraiment jouer un très bon tennis. On est peu nombreuses à être aussi petites donc c’est sympa parfois de jouer contre une joueuse aussi petite que moi ! Notre service est légèrement différent donc au début j’ai dû me battre parce que je n’arrivais pas à bien retourner. Je ne sais pas comment le dire mais nous avons des coups et des capacités différentes. C’est sympa d’avoir des petits qui jouent au tennis non ? Allez les gars, dîtes que c'est sympa !"

Plus grande d’un centimètre (1m64), son amie et partenaire de double Sara Errani n’a pas connu le même bonheur puisqu’elle a été logiquement éliminée par Diana Shnaider (6/2, 6/2 en 1h02). En progression constante et déjà auréolée de trois titres cette saison, la tête de série n°18 aura un tout autre challenge à relever à l’occasion de son premier huitième de finale en Grand Chelem. Elle y retrouvera Jessica Pegula, contre qui elle a récemment perdu en demi-finales du WTA 1000 de Toronto.

La stat’ du jour : De Minaur, aussi bien qu’Hewitt

Dans la même veine que la statistique précédemment évoquée pour l’Italienne, Alex de Minaur (n°10) est quant à lui devenu le premier Australien à rallier les huitièmes de finale dans tous les tournois du Grand Chelem sur une même saison depuis Lleyton Hewitt en 2004. Le "démon" s’est imposé face à Dan Evans (6/3, 6/7(4), 6/0, 6/0 en 2h48) et retrouvera son compatriote Jordan Thompson au prochain tour.