Au lendemain de la très surprenante – mais néanmoins logique – élimination de Carlos Alcaraz, Flushing Meadows a connu un nouveau crash d’envergure. Pour la première fois depuis 2002 (!), aucun membre du Big 3 (Djokovic, Nadal, Federer) ne remportera un Grand Chelem cette saison.
US Open 2024 – J5 : Popyrin élimine un Djokovic "en panne sèche"
Le tenant du titre s’est incliné dès le troisième tour face à un joueur en progression constante et en pleine confiance.
Le tremblement de terre du jour : Djokovic stoppé net
Très loin de son meilleur niveau depuis le début de la quinzaine, Novak Djokovic (n°2) avait prévenu : son troisième tour face à Alexei Popyrin (n°28) avait tout du match piège. Une sombre prédiction qui s’est réalisée avec perte et fracas dans la nuit new-yorkaise, tant l’Australien s’est montré supérieur au champion sortant pour signer la plus belle victoire de sa carrière, synonyme de première qualification en huitièmes de finale d’un Majeur (6/4, 6/4, 2/6, 6/4 en 3h19).
"La troisième est la bonne je suppose, a souri l’heureux vainqueur à l’issue de la rencontre. Nous nous sommes bien battus à l’Open d’Australie et à Wimbledon et j’ai eu mes chances dans ces matchs (perdus en quatre sets, ndlr) mais je ne les ai pas saisies. Aujourd’hui, c’était un peu différent, j’ai pu convertir mes opportunités quand elles se sont présentées et j’ai joué un bon tennis. C’est à peine croyable parce que j’ai disputé le troisième tour une quinzaine de fois dans ma carrière mais je n’ai jamais été capable d’aller au-delà. Pouvoir le faire contre le plus grand joueur de tous les temps, c’est fou. C’est une sensation formidable parce que mon travail acharné a porté ses fruits."
Très solide techniquement, mentalement et physiquement, ce succès vient confirmer le changement de dimension de l’Australien de 25 ans, vainqueur du plus beau titre de sa carrière il y a trois semaines au Masters 1000 de Montréal. Volontaire et impressionnant dans les moments importants (12/16 balles de break écartées au total sur la rencontre), il a joué son meilleur tennis dans la quatrième manche, pour définitivement écœurer son prestigieux vis-à-vis, dont le regain de forme dans le troisième set n’était qu’un arbre qui cachait une forêt d’épuisement (49 fautes directes dont 14 doubles fautes, 5 breaks concédés).
"J'ai dépensé beaucoup d'énergie pour gagner l'or olympique et je suis arrivé à New York en n'étant pas très frais mentalement et physiquement, a avoué celui qui n’avait plus perdu si précocement ici-même depuis 2006 face à… Lleyton Hewitt ! Mais comme c'est l'US Open, j'ai tenté ma chance et j'ai fait de mon mieux. Je n'ai pas eu de problèmes physiques, je me suis juste senti en panne sèche et cela s'est ressenti dans ma manière de jouer. Dès le premier match, je ne me suis pas reconnu sur le court, c’est tout ce que je peux dire. Mais la vie continue, il faut juste essayer de recalibrer tout ça et attendre la suite."
En quête d’un 25e titre du Grand Chelem (record absolu, hommes et femmes confondus), le "Djoker" va devoir encore patienter, cette défaite actant définitivement sa première saison blanche dans cette catégorie de tournois, une première depuis 2017. Pour Popyrin en revanche, ce succès de très grande envergure lui ouvre le champ des possibles.
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La satisfaction locale du jour : le show à l’américaine se poursuit
Tiafoe tient sa revanche
Le nouveau statut et le sang-froid du natif de Sydney seront mis à rude épreuve dimanche face à Frances Tiafoe (n°20). Le showman a pris une étincelante revanche sur son non moins spectaculaire compatriote et pote Ben Shelton (n°14), qui l’avait éliminé en quarts de finale ici-même l’an passé. Au terme d’une rencontre qui a tenu en haleine le court Arthur Ashe pendant 4h03 (4/6, 7/5, 6/7(5), 6/4, 6/3) et au cours de laquelle puissance et hot shots ont fait bon ménage (63 coups gagnants dont 23 aces pour "Benny", 44 pour "Big Foe"), le natif de Hyattsville a acté son retour au premier plan et confirmé ses progrès tennistiques et psychologiques.
"Je suis fier de moi, fier de ne pas me laisser abattre, a affirmé le joueur de 26 ans. Ce que je veux dire, c’est que j’ai beaucoup travaillé sur moi-même. J’ai quelqu’un qui m’aide sur le plan mental et je bosse pour essayer de me regarder différemment dans le miroir. Si je perds, je veux savoir que c’est le gars d’en face qui m’a battu, pas que j’ai perdu tout seul."
Une bataille acharnée qui ne changera rien à la relation qu’entretiennent les deux hommes, mise en lumière par l’accolade au filet la plus chaleureuse de ce début de tournoi. "Il m’a dit ‘T’as intérêt à poursuivre ta route’ et il était furieux que je sois si décontracté à la volée sur balle de match, a confié le vainqueur en riant. Je lui ai répondu ‘Mec, j’ai l’air décontracté mais j’étais très tendu’. Il m’a juste dit des trucs très sympas et il m’a souhaité le meilleur pour la suite, d’essayer de gagner ce tournoi."
Une compétition qui se poursuit également pour Taylor Fritz (n°12), beaucoup plus expéditif pour rallier le Top 16, comme lors des trois premiers Majeurs de l’année, une première pour un Américain depuis Andre Agassi en 2003. Supérieur à Francisco Comesana dans tous les compartiments du jeu, il a ainsi glané une 50e victoire dans cette catégorie de tournois en carrière (6/3, 6/4, 6/2 en 2h00). En huitièmes de finale, il retrouvera Casper Ruud (n°8), auteur du come-back de la journée dans le tableau masculin face à la pépite chinoise Juncheng Shang (6/7(1), 3/6, 6/0, 6/3, 6/1 en 3h44).
Autre performance made in USA, Brandon Nakashima a créé la surprise contre le n°18 Lorenzo Musetti (6/2, 3/6, 6/3, 7/6(4), probablement éreinté par son très bel été, marqué notamment par une demi-finale à Wimbledon et une médaille de bronze à Paris. Avec cette défaite, c’est l’intégralité du podium olympique masculin qui a disparu du tableau masculin. Pour le vainqueur du Masters Next Gen 2022, la barre sera encore plus haute pour son premier huitième de finale à NY puisqu’il y affrontera Alexander Zverev (n°4), tombeur de Tomas Martin Etcheverry en quatre manches (5/7, 7/5, 6/1, 6/3 en 3h36) pour glaner sa 100e victoire en Grand Chelem !
Gauff et Navarro ont rendez-vous
Chez les dames, Coco Gauff (n°3) a d’abord fait peur à ses fans avant de changer de visage et d’attitude pour engranger sa 10e victoire consécutive à l’US Open, sa 60e en Grand Chelem à seulement 20 ans ! Pressurisée par la toujours très accrocheuse Elina Svitolina (n°27), la tenante du titre a eu un déclic dans la deuxième manche, lorsqu’elle a sauvé une balle de break alors que le tableau des scores indiquait 2-2. Dos au mur, elle a préservé sa mise en jeu avant de réaliser son premier break du match, pour définitivement se lancer.
Sûre de ses forces jusqu’ici, l’Ukrainienne s’est soudainement heurtée à un mur de l’autre côté du filet et s’est frustrée en tentant de le contourner (36 fautes directes dont 18 dans le set final). "Je savais que ce serait un match difficile, c’est le cas à chaque fois que je joue contre Elina, c’est une battante, a commenté Gauff. Mais j’ai beaucoup mieux servi (79% de points gagnés derrière sa première, ndlr) que lors de mon match précédent, à l’exception du dernier jeu. J'ai essayé d'être plus agressive en coup droit et de faire moins d'erreurs en revers. Heureusement, j’ai pu revenir dans le match. Le court Arthur Ashe apporte toujours de l’énergie et j’apprécie vraiment votre soutien."
Toujours en lice pour devenir la première joueuse à conserver son bien à Flushing Meadows depuis Serena Williams en 2014, la native d’Atlanta semble encore loin de son meilleur niveau mais cette victoire 3/6, 6/3, 6/3 en 2h03 devrait booster sa confiance. Et il lui en faudra en huitièmes de finale pour espérer prendre sa revanche sur Emma Navarro (n°13). Sa compatriote l’avait battue au même stade de la compétition à Wimbledon en juillet. Ce vendredi, elle a également livré un très beau combat pour se défaire d’une autre Ukrainienne, Marta Kostyuk (n°19) en 1h53 (6/4, 4/6, 6/3). "Je suis très enthousiaste à l'idée de rejouer Coco, a-t-elle confié à la chaîne ESPN. J'ai appris à mieux la connaître aux Jeux olympiques et c'est une fille géniale. C'est vraiment cool d'avoir deux Américaines qui s'affrontent en huitièmes d'un tournoi du Grand Chelem !"
Pas de larmes pour Zheng, qui retrouvera Vekic
Qinwen Zheng (n°7) a une très bonne mémoire. Battue au troisième tour de l’édition 2022 par son adversaire du jour Jule Niemeier, elle avait à cœur de prendre sa revanche. Et le score parle de lui-même : 6/2, 6/1 en 1h21. Bousculée lors de ses deux premières sorties, la finaliste de l’Open d’Australie a remporté 11 des 12 derniers jeux de la rencontre pour s’ouvrir les portes d’un deuxième huitième de finale en Majeur cette saison. "Je me souviens très bien de ce match, je l’ai perdu à minuit, c’était une rencontre vraiment difficile et douloureuse. Je me souviens être restée assise quelque part dans l’enceinte du stade et à 3h du matin, je pleurais encore toute seule. Donc aujourd’hui face à elle, j’étais très concentrée dès le début parce que je ne veux pas ressentir à nouveau ce sentiment. Je suis contente d’avoir gagné car comme ça, je n’ai pas à pleurer !"
Un goût de revanche qu’aura probablement sa future adversaire, Donna Vekic (n°24). Battue en finale des Jeux olympiques par la Chinoise, la médaillée d’argent s’est imposée face à Peyton Stearns (7/5, 6/4 en 1h30). Également finaliste à Bad Homburg et présente dans le dernier carré à Wimbledon, la Croate tentera de poursuivre son été de rêve en ralliant les quarts de finale à Flushing Meadows pour la première fois depuis 2019. "Elle a joué un match incroyable à Paris, elle était trop forte ce jour-là, a admis Vekic. J'avais eu quelques occasions, mais je n'ai pas réussi à les concrétiser. Mais nous sommes deux semaines plus tard, c’est un nouveau match et c’est une surface différente, heureusement pour moi ! Je vais essayer de bien me préparer et de mettre en place une bonne tactique avec mon équipe. J’espère que le résultat sera différent."
A noter également dans le tableau dames, la victoire d’Aryna Sabalenka (n°2) face à Ekaterina Alexandrova (2/6, 6/1, 6/2 en 1h40). Plus vraiment habituée à perdre un set (le premier lors de ses sets derniers matchs), la finaliste sortante s’est bien reprise et disputera un 4e huitième de finale consécutif à Flushing face à Elise Mertens (n°33), également renversante pour s’offrir le scalp de la tête de série n°14, Madison Keys (6/7(5), 7/5, 6/4 en 2h54).
La décla’ du jour : Andrey Rublev
Opposé à Tallon Griekspoor, Grigor Dimitrov (n°9) n’a eu besoin que d’1h39 (6/3, 6/3, 6/1) pour rallier les huitièmes de finale, une première à New York depuis 2019. Il y retrouvera Andrey Rublev (n°6). Au bord du précipice lors de son deuxième tour étouffant face à Arthur Rinderknech, il s’est beaucoup plus facilement débarrassé de Jiri Lehecka (6/3, 7/5, 6/4 en 2h03).
"Quand je jouais en juniors, je l’aimais bien en tant que joueur, a confié "Rublo" à propos de son futur adversaire. A cette époque, il représentait quelque chose de nouveau par rapport au Big 3, Big 4 ou Big 5, je ne sais pas si vous intégrez Stan. Je le trouvais talentueux, je regardais ses matchs. Et puis nous avons joué pour la première fois l’un contre l’autre à l’US Open en 2017. Après le match, je lui ai dit que je voulais qu’il se qualifie pour le Masters de Londres et qu’il le gagne. C’est ce qui s’est passé cette année-là. Petit à petit, nous avons commencé à créer une plus grande complicité. Nous nous respectons mutuellement et nous avons construit une relation plus solide au fur et à mesure de nos rencontres."
Un premier duel entre amis et entre deux membres émérites du Top 10 à ne manquer sous aucun prétexte.
Le come-back du jour : Badosa confirme sa renaissance
Victime d’une fracture de stress dans le bas du dos en 2023, Paula Badosa (n°26) ne savait pas si elle pourrait poursuivre sa carrière. Mais la joueuse de 26 ans n’est pas du genre à baisser les bras et continue de jouer grâce à des injections de cortisone qui lui permettent de gérer la douleur. Classée au 140e rang mondial en mai, elle a depuis atteint le troisième tour à Roland-Garros, les huitièmes à Wimbledon et le dernier carré à Cincinnati. Surtout, sur les courts en dur de Washington, elle a soulevé son premier trophée après deux ans d’attente.
Arrivée dans sa ville natale en confiance mais sans attentes particulière en raison de son historique à l’US Open, elle a de nouveau prouvé son exemplaire combativité face à la qualifiée Elena-Gabriela Ruse (4/6, 6/1, 7/6(8) en 2h32). "Mon entraîneur m'a dit : ‘Tu n'as pas d'autre option que de te battre. Sois plus agressive qu'elle, joue ton jeu, si ça marche c'est parfait, sinon on rentre à la maison’." Et l’Espagnole a bien failli faire ses valises puisqu’après s’être brillamment relevée de la perte de la première manche, elle a sauvé une balle de match à 5-4 dans le troisième set. A l’issue d’un nouvel échange de breaks puis d’un jeu décisif irrespirable, elle a fini par faire craquer la Roumaine (41 fautes directes) grâce notamment à ses qualités défensives et son énorme couverture de terrain. "Le tie-break ? Je crois que j'ai failli avoir une crise cardiaque ! On ne sait jamais ce qu’il peut se passer, mais je pense que j'ai bien géré les émotions et la pression, et je suis heureuse d'avoir gagné le match."
Dimanche, elle disputera son premier huitième de finale à Flushing Meadows face à Yafan Wang, qui quant à elle, jouera pour la première fois à ce stade de la compétition en Grand Chelem. La Chinoise a créé l’une des sensations du jour en éliminant la tête de série n°20, Victoria Azarenka (6/4, 3/6, 6/1 en 2h22).