Au terme d’une demie magnifique et irrespirable – la plus longue de l’histoire de Wimbledon – Jasmine Paolini s’est qualifiée pour sa deuxième finale consécutive en Grand Chelem. Elle y affrontera Barbora Krejcikova, renversante face à la grande favorite de cette édition 2024.
Wimbledon – J11 : Paolini et Krejcikova, reines du come-back
Déjà finaliste à Roland-Garros, l’Italienne a rallié ce jeudi la dernière marche au All England Club, une première depuis Serena Williams en 2016.
Paolini, incroyable et inoubliable
"Je me souviendrai de ce match toute ma vie." Son iconique sourire fixé au visage, Jasmine Paolini pouvait enfin savourer son exploit. Victorieuse d’un duel à couper le souffle face à Donna Vekic (2/6, 6/4, 7/6(8) en 2h51), elle est devenue la première joueuse italienne de l’histoire à rallier la finale de Wimbledon, et ce alors qu’elle n’avait jamais gagné le moindre match sur gazon sur le circuit principal avant ce cru 2024. Déjà huitième de finaliste à l’Open d’Australie, sacrée au WTA 1000 de Dubaï puis finaliste Porte d’Auteuil, celle qui réalise la plus belle saison de sa carrière et intègrera quoi qu’il arrive le Top 5 mondial lundi prochain, a une nouvelle fois fait étalage de sa technique et de son goût du combat pour se donner le droit de rêver encore plus grand.
Evidemment, comme le score l’indique, rien n’a été simple pour la protégée de Renzo Furlan. Entre une joueuse prête à bondir au filet au moindre coup faible et une autre très agressive sur sa ligne de fond de court, la clé de cette première demi-finale résidait dans la capacité des protagonistes à assurer leurs engagements et les 2-3 premières frappes de l’échange. Et à ce petit jeu, la Croate a connu bien plus de réussite que son opposante au cours d’une première manche à sens unique. Impériale durant ces 35 premières minutes (91% de points gagnés derrière sa première, 75% derrière sa deuxième), elle n’a laissé aucune ouverture, ne perdant en tout et pour tout que trois petits points sur son service.
Une situation confortable qui lui a permis de prendre l’initiative au retour et de pilonner la 7e mondiale. Résultat, elle a remporté 16 points sur 32 dans cet exercice et converti deux de ses cinq balles de break pour boucler le set inaugural (6/2). "Aujourd'hui, ça a vraiment été très difficile, j'avais vraiment beaucoup de mal au début, a expliqué Paolini en conférence de presse. Elle servait très bien et me faisait courir sur toutes les balles. A l'inverse, je n'y arrivais pas et j'essayais juste de me répéter de continuer, d'essayer d'être plus proche et de croire que le match pouvait basculer à tout moment."
Payante un temps, cette tactique énergivore comporte des risques et la dernière joueuse non tête de série du tableau l’a appris à ses dépens dans le deuxième set. Moins mobile mais également moins lucide dans les moments importants, elle n’est pas parvenue à breaker malgré trois nouvelles opportunités et a surtout commis 18 fautes directes. Beaucoup trop face à une adversaire de la qualité de Paolini, dont les variations et les frappes bombées lui ont enfin permis d’imposer son rythme et sa patte sur cette partie. Plus régulière au service, elle a attendu le dernier jeu pour obtenir ses deux premières balles de break du match, en l’occurrence des balles de set afin de faire la différence et recoller (6/4 en 53 minutes).
Bien heureux celui qui pouvait alors prédire l’issue de cette rencontre aussi agréable qu’indécise. Sur une pente descendante, Vekic s’est autorisée une longue pause avant le début du set final, pour reprendre son souffle et probablement tirer un premier bilan, d’autant qu’elle aurait sans doute pu plier l’affaire en deux manches sans quelques imprécisions, à l’image de ce smash manqué à 4-4 sur l’engagement adverse. Un entracte qui lui a permis de briser la dynamique et de retrouver ses armes pour mener 2-0, balle de double break. Mais on l’a dit et répété, l’une des caractéristiques de la native de Castelnuovo di Garfagnana est de ne jamais rien lâcher. Elle s’est donc brillamment accrochée pour revenir à hauteur, profitant il est vrai d’un coup de moins bien de la 37e mondiale, contrainte d’appliquer de la glace sur son bras droit aux changements de côté.
Une situation compréhensible au vu de l’intensité physique et psychologique de cet affrontement, symbolisée par un challenge au cours duquel elle s’est assise à côté des juges de ligne et par ses larmes quelques minutes plus tard. Car oui, ce n’était que le début, cette première demie a bel et bien basculé dans la folie et la dramaturgie. A 5-4 en sa faveur, Paolini a obtenu une première balle de match avant de devoir sauver une balle de break dans le jeu suivant. Donna Vekic s’est ensuite offert un nouveau sursis, en écartant une nouvelle opportunité de conclure sur un échange splendide et un dernier coup droit en avançant.
Déterminées à faire basculer l’histoire de leur côté, les deux artistes ont joué un super tie-break de haut vol à flux tendu, où l’abnégation et la couverture de terrain de l’Italienne a fait une toute dernière différence. Un bouquet final très cruel pour la perdante mais une victoire encore plus belle et inoubliable donc, pour la star du jour. "C'est incroyable, le match d'aujourd'hui a été tellement difficile, il y a eu énormément d'émotions, a poursuivi la finaliste. Deux finales de Grand Chelem d'affilée, c'est fou non ? Peut-être que samedi je serai très nerveuse je ne sais pas mais d'un autre côté, je me sens détendue. Je n'ai pas changé, je suis toujours la même personne. Je me surprends moi-même de vivre ça de cette façon !"
Après avoir affronté la meilleure joueuse sur terre battue en tant qu'outsider il y a un peu plus d’un mois en finale de Roland-Garros, Jasmine Paolini aura sans doute une autre casquette vissée sur la tête en pénétrant sur le Centre Court aux côtés de Barbora Krejcikova.
Krejcikova refait le coup
Trois ans après son incroyable parcours victorieux à Roland-Garros, la Tchèque va en effet de nouveau ressentir le bonheur de disputer une finale de Majeur en simple (elle a remporté de nombreux Majeurs en double dont Wimbledon en 2018 et 2022) samedi. Blessée au dos et absente du circuit de février à avril, la quart-de-finaliste de l’Open d’Australie n’avait plus gagné un match avant le début de la saison sur gazon. Incroyable mais vrai. "C’est difficile d’expliquer ce que je ressens, mais il y a beaucoup de joie et d'émotions, a-t-elle confié en bord de court. Je suis très soulagée et également très fière de mon jeu et de ma combativité aujourd'hui."
Opposée à une Elena Rybakina en feu et qui comptait jusqu’ici 19 victoires pour 2 défaites au All England Club, c’est peu dire que la tête de série n°31 ne partait pas favorite. Et le premier set n’a d’ailleurs pas fait mentir les pronostics. Entrée avec du retard sur le Centre Court en raison du match à rallonge qui s’y était déroulé précédemment, la Kazakhstanaise n’avait vraisemblablement pas l’envie de s’y attarder… Grâce notamment à 5 aces et 19 coups gagnants, elle s’est détachée pour mener 4-0 puis 6/3. L’affaire pouvait alors paraître entendue, mais c’était un peu trop vite oublier que lors de leurs deux précédentes confrontations, "BK" l’avait emporté après avoir concédé la première manche.
Dotée d’une incroyable détermination et de qualités défensives reconnues de tous, elle a amorcé un début de révolte en fin de premier set avant de prendre la pleine mesure de la championne 2022 dans les deux suivants. Une inversion de tendance non seulement au niveau du score mais aussi dans le jeu et dans les chiffres. Jusqu’ici sans solutions, elle a complètement fait déjouer son adversaire, progressivement incapable de s’appuyer sur ses deux armes majeures : son service et son coup droit (37 fautes directes). Agressive, incisive et surtout plus précise et moins pressée, elle a enlevé le deuxième set avant de se transformer en serveuse intouchable, ne concédant plus la moindre balle de break de la rencontre. A l’inverse, elle a converti sa seule opportunité pour arracher la victoire et ainsi créer une nouvelle sensation dans cette édition 2024 complètement folle (3/6, 6/3, 6/4 en 2h07). "Dans le deuxième set, j’ai essayé de me battre sur chaque balle et lorsque je l’ai breakée, j’ai commencé à être dans la zone comme on dit et je ne voulais plus la quitter", a-t-elle confirmé.
Un temps encadrée par l’ancienne championne de Wimbledon 1998 Jana Novotna tragiquement décédée en 2017, Barbora Krejcikova s’est inspirée de sa compatriote et a tenu à lui rendre hommage. "Je travaillais avec elle il y a quelques années. Elle me racontait beaucoup d'histoires sur son parcours ici et comment elle avait tout fait pour gagner Wimbledon. J'en étais si loin lorsque nous avons eu ces conversations… Et maintenant, je suis ici et je suis en finale ! Je me souviens d’avoir beaucoup pensé à elle. J'ai tellement de beaux souvenirs… Quand j'entre sur le court, je me bats sur chaque balle car c'est ce qu'elle aurait voulu que je fasse", a-t-elle conclu. Ce samedi, c’est aussi pour elle qu’elle tentera de décrocher un deuxième titre du Grand Chelem en simple, son premier à SW19.