Grands sourires et explosions de joie ont de nouveau émaillé cette septième journée de tennis à Flushing Meadows. Entre les habitués et ceux qui y (re)prennent goût, les bas de tableaux s’affinent et promettent de nouveaux duels alléchants au doux parfum de revanche.
US Open 2024 – J7 : Dimitrov "vit son rêve", Navarro refait le coup
Le Bulgare et l’Américaine ont brillamment composté leur billet pour les quarts de finale.
Dimitrov attend Tiafoe de pied ferme
Auteur d’un improbable come-back au deuxième tour face à Arthur Rinderknech, Andrey Rublev (n°6) n’aurait pas été contre un exploit encore plus prestigieux face à Grigor Dimitrov (n°9). Mené deux manches à rien et au bord de l’implosion, il a eu le mérite de ne pas perdre complètement ses nerfs pour égaliser et relancer le suspense.
En légère perte de vitesse et d’énergie à l’issue du seul tie-break du match (alors qu’il était mené 3-5 dans ce set et 1-3 dans le jeu décisif), le Bulgare a remis la machine en route au meilleur moment pour signer sa 450e victoire en carrière (la 300e sur dur, il aime les comptes ronds) et ainsi rallier son 8e quart de finale en Grand Chelem (6/3, 7/6(3), 1/6, 3/6, 6/3 en 3h39). "Je pense que j’ai bien joué dans les deux premiers sets mais sans raison particulière, mon corps a commencé à me lâcher, a-t-il avoué à l’issue du match. Et lui, il n’allait pas abandonner le match, vous savez comment il est ! J’ai dû rester patient et je pense qu’aujourd’hui, ce qui m’a le plus aidé, c’est mon expérience et le public."
Une expérience salvatrice dans les moments importants à l’image des 13 balles de break écartées durant la rencontre dont deux à 4-2 dans le dernier set alors que "Rublo" se voyait bien réussir un ultime come-back. Si son talent n’est plus à prouver, l’état d’esprit irréprochable et l’envie du joueur de 33 ans continuent d’impressionner, y compris son amie Serena Williams, de nouveau présente aujourd’hui en tribunes aux côtés de la chanteuse Alicia Keys. "On a discuté hier et elle m’a bien boosté. Je suis aux anges, c’est incroyable de jouer devant vous, mes amis et ma famille. C’était une atmosphère extraordinaire."
Cinq ans après sa dernière demi-finale en Grand Chelem (ici-même en 2019), il aura une nouvelle occasion de rallier le Top 4 et compte bien profiter de chaque instant passé sur le court. "Je vis mon rêve, je ne fais que ça en ce moment, a-t-il poursuivi en conférence de presse. Le tennis est juste un moment, une petite fenêtre de tir. Je suis sur le circuit depuis 15 ans et j’ai le sentiment que c’est passé très vite. Et ça va de plus en plus vite chaque année parce que, soyons honnêtes, je suis plus proche de la fin que du début ! Mais ça me permet d’apprécier encore davantage ce genre de moments, ces victoires à ce niveau de la compétition. Vous devez d’abord gagner ces batailles mentales contre vous-même pour que tout le reste soit plus simple."
Il a désormais rendez-vous avec un autre "protégé" de la joueuse aux 23 titres du Grand Chelem, le chouchou du public Frances Tiafoe (n°20). Déjà auteur d’une prestation XXL pour éliminer Ben Shelton, le showman ne s’est pas laissé impressionner par le bourreau de Novak Djokovic, l’Australien Alexei Popyrin (6/4, 7/6(3), 2/6, 6/3 en 3h02). En prime-time, les deux hommes ont fait le spectacle (99 coups gagnants dont 38 aces) par leur puissance, leur relâchement et leur indéniable capacité à haranguer une foule qui n’attendait que ça.
Plus constant tennistiquement et mentalement, "Big Foe" aurait pu vivre un tout autre match si son adversaire était parvenu à convertir l’une de ses trois balles de set obtenues dans la première manche. "Quand il a servi à 5-3, 40-0, je me suis dit : ‘Je suis en sueur, je transpire à travers mes chaussures, je vais aller me changer et essayer de gagner en quatre’ a-t-il commenté. Et puis j’ai gagné un point, puis un autre. Je me suis dit ‘Wow’ et il m’en a donné un. Et là, j’ai pensé ‘Ne m’en donne pas un deuxième puis ne m’en donne pas un troisième… Bon, autant breaker maintenant’ ! J’ai eu beaucoup de chance honnêtement."
De la chance, peut-être, du talent, c’est certain. Mardi, il disputera son troisième quart de finale consécutif à l’US Open. Not too bad…
Les stats du jour : Gauff a bien aidé Navarro
La plus grosse sensation du jour a sans aucun doute été signée par Emma Navarro (n°13), qui s’est offert le scalp de la tenante du titre sur un court Arthur Ashe médusé (6/3, 4/6, 6/3 en 2h12). Mais le choc est à relativiser et ce pour plusieurs raisons. D’abord parce que la plus âgée des deux Américaines est en progression constante depuis plusieurs mois et qu’elle n’en était pas à son coup d’essai. Ensuite parce que Coco Gauff, loin de son meilleur niveau depuis son entrée en lice, lui a donné un joli coup de pouce en commettant la bagatelle de 60 fautes directes dont 19 doubles fautes ! Sa dernière a d’ailleurs offert une balle de match à sa compatriote, qui n’a pas manqué l’opportunité de confirmer son irrésistible ascension vers les sommets.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce sont bien les qualités tennistiques et psychologiques de Navarro qui lui ont permis de réaliser ce nouvel upset face à une championne un temps revigorée par le gain inespéré de la deuxième manche. "Je menais 4-3, 30-0 et j’ai connu un creux, a admis la gagnante de ce duel made in USA. J’ai dû me ressaisir parce que c’était dur de perdre ce deuxième set."
Professionnelle depuis deux ans, celle qui était encore 149e mondiale en janvier 2023 s’apprête à disputer son deuxième quart de finale de Majeur consécutif. Également présente au troisième tour à l’Open d’Australie et en huitièmes de finale à Roland-Garros, elle peine encore à réaliser ses récents exploits. "J’ai perdu au premier tour lors des deux dernières éditions et maintenant je suis en quarts de finale, c’est fou, a-t-elle insisté au micro de Mary Joe Fernandez sur ESPN. C’est ma ville natale et c’est très spécial de jouer ici." Voilà qui lui fait un point commun avec sa future adversaire, Paula Badosa (n°26).
Le (grand) sourire du jour : Paula Badosa
Ancienne n°2 mondiale, Badosa n’avait jusqu’ici disputé qu’un seul quart de finale en Grand Chelem, à Roland-Garros en 2021. Une statistique aux airs d’anomalie que l’Espagnole a corrigée de la plus belle des manières, en écœurant la Chinoise Yafan Wang (6/1, 6/2 en 1h22). Testée d’entrée, elle a sauvé cinq balles de break (huit au total sur la rencontre) lors de trois premiers jeux longs de 22 minutes et ponctués de huit égalités. Et si ce large score ne reflète pas fidèlement la physionomie de la rencontre, il s’explique par l’autorité, la maîtrise et l’opportunisme d’une joueuse de nouveau en pleine confiance (26 coups gagnants, 4 balles de breaks converties sur 5). "Je me suis dit : ‘Elle est forte mais je le suis encore plus et si je dois rester trois heures ici, je le ferai’, a-t-elle confié en interview d’après-match avant de poursuivre en conférence de presse. J’ai été très agressive et proactive. Je pense que je joue plutôt bien depuis le début et aujourd’hui j’ai pu le prouver."
Sur un petit nuage depuis Wimbledon, elle a remporté 14 de ses 16 derniers matchs, soulevé son premier trophée depuis 2022 (à Washington) et disputé les demi-finales à Cincinnati. Une trajectoire inespérée au vu de ce que les médecins lui avaient confié en mars à Indian Wells, théâtre de son plus beau titre (en 2021) mais aussi de sa plus grande frayeur. Alors que l’hypothèse d’une fin de carrière prématurée était sur la table, elle a supplié ses interlocuteurs de trouver une solution pour apaiser ses douleurs et afin que son corps lui permette de continuer à jouer.
Seulement durant la saison sur terre battue, l’incertitude planait toujours, à l’image de son abandon en larmes à Stuttgart, face à son amie Aryna Sabalenka. "En milieu d’année, j’étais au plus bas, a-t-elle expliqué à l’issue de sa victoire au 3e tour face à Elena-Gabriela Ruse. J’étais vraiment mal en point et à certains moments, notamment après Madrid, je me disais que je devrais peut-être arrêter parce que si ce n’est pas pour évoluer au plus haut niveau, je ne veux pas faire ce sport. Je ne veux pas être classée comme je l’étais à ce moment-là (elle est redescendue au 141e rang mondial en mai, ndlr), ça n’a pas de sens."
Mais puisque le tennis va très vite et que les miracles existent, la voilà désormais en quarts de finale d’un Majeur dans lequel elle n’avait encore jamais dépassé le deuxième tour jusqu’ici. Il suffit de regarder sa célébration pour comprendre ce que cet accomplissement représente pour elle.
Le thème du jour : la revanche est un plat qui se mange show
La revanche a très bon goût et ce n’est pas à Taylor Fritz (n°12) qu’on va l’apprendre. Eliminé au même stade de la compétition par Casper Ruud à Roland-Garros, l’Américain lui a rendu la pareille ce dimanche (3/6, 6/4, 6/3, 6/2 en 2h43). Dans des conditions humides et sous le toit fermé du court Louis Armstrong, il a été cueilli à froid dans la première manche, lui qui n’en avait pas concédé une seule depuis le début de sa quinzaine. "Je devais essayer de rester dans le coup parce qu’il m’a surpassé dans le premier set, a-t-il admis. J’ai eu des occasions, lui aussi et il les a saisies. Je faisais trop d’erreurs et j’ai commencé à me frustrer. Mais j’ai senti que son niveau a un peu baissé ensuite."
Au fur et à mesure d’une rencontre très équilibrée pendant deux manches, le natif de San Diego est monté en puissance, bien aidé par son service (24 aces, 84% de points gagnés derrière sa première), sa prise d’initiative (56 coups gagnants) et son agressivité sur l’engagement adverse (4 breaks réussis pour un seul du côté du Norvégien). Preuve de sa régularité au plus haut niveau, il disputera mardi son 3e quart de finale de Grand Chelem de la saison (son 5e en carrière) face à Alexander Zverev (n°4). Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il garde un excellent souvenir de leur dernière confrontation…
L’Allemand, finaliste malheureux ici-même en 2020 au terme d’un match mémorable de tension, a lui aussi connu un léger retard à l’allumage avant de prendre la pleine mesure de Brandon Nakashima (3/6, 6/1, 6/2, 6/2 en 2h36). Parviendra-t-il à se venger à l’occasion de son 13e quart de finale en Grand Chelem ? Réponse mardi.
Dans la nuit new-yorkaise (2h15 du matin heure locale, record pour un match féminin dans l’histoire du tournoi) Donna Vekic (n°24) n’est quant à elle pas parvenue à étancher sa soif d’accomplissements. Trois semaines après sa défaite en finale des Jeux olympiques, elle a de nouveau cédé face à Qinwen Zheng (n°7), au terme d’un thriller de haut niveau (7/6(2), 4/6, 6/2 en 2h50). Imperméable à la pression et excellente au service (81% de premières balles, 10 aces), la Chinoise a su se montrer patiente pour faire basculer cette rencontre très indécise dans la troisième manche. Un succès acquis de haute lutte qui la propulse vers son deuxième quart de finale de Grand Chelem de la saison et qui lui offrira – elle aussi – la possibilité de se venger.
Elle retrouvera en effet celle qui l'a battue ici-même en 2023 avant de la priver d’un premier titre Majeur en janvier à Melbourne, Aryna Sabalenka (n°2). Victorieuse d’Elise Mertens (n°33) grâce notamment à 41 coups gagnants dévastateurs et 19 montées réussies sur 26 tentées (6/2, 6/4 en 1h37), la finaliste sortante disputera son quatrième quart de finale consécutif à New York, une première depuis Serena Williams en 2016.