Wimbledon – Finale messieurs: God save the Kings

Carlos Alcaraz (n°3) - Novak Djokovic (n°2)

💪 Le contexte / La forme du moment

Tout prodige unanimement adoubé comme tel par le monde du tennis qu'il est, ce n'est en aucun cas un manque de respect envers Carlos Alcaraz que de souligner qu'il a soufflé le show et le froid dans ce Wimbledon 2024. Côté face, le bondissant Murcien a concédé plusieurs manches et s'est même parfois franchement fait peur : Frances Tiafoe l'a poussé à jouer cinq sets au troisième tour et Ugo Humbert était tout près de lui faire la même proposition en huitièmes. Côté pile, dès qu'il monte en régime, Alcaraz a semblé quasi inarrêtable. Quand le moteur tourne et que les voyants passent au vert, l'Espagnol prend des allures de Formule 1 que les adversaires sont bien en peine de rattraper.

Sa demi-finale ce vendredi face à Daniil Medvedev en a été la parfaite illustration. Malmené par l'agressivité et le talent du finaliste de l'Open d'Australie pendant un set, le n°3 mondial a brusquement haussé le curseur pour proposer son match le plus convaincant de la quinzaine. L'impression générale qu'il se dégage du jeune prodige reste que sa marge est telle qu'il peut bien se permettre de lâcher quelques sets en route. Le tenant du titre tient sa couronne d'une main de fer et il faudra bien du courage pour l'empêcher de conquérir un 4e triomphe dans un tournoi du Grand Chelem.

Gare cependant : le moindre retard à l'allumage coûtera probablement beaucoup plus cher dimanche. Car de l'autre côté du filet se dressera Novak Djokovic. Il y a un mois, le Serbe avait quitté Roland-Garros par forfait, meurtri par une blessure au genou. Sa participation à Wimbledon semblait au mieux compromise, au pire de l'ordre de l'impossible. Mais le joueur de Belgrade n'est pas fait du même bois que les autres et il a su se rétablir à temps pour participer au Grand Chelem londonien. Mieux : il est patiemment monté en puissance au fur et à mesure de la quinzaine, naviguant habilement entre un tableau abordable et un forfait en cours de route.

Sa demi-finale, dans un match de très haut niveau ce vendredi, fut un modèle de maîtrise. Face à Lorenzo Musetti qui a proposé un tennis toujours varié et une bonne dose de slice , Djokovic a pris d'assaut le filet dès que possible (56 montées, 43 gagnantes) et n'a jamais semblé piocher physiquement. Il sera donc bien au rendez-vous de sa 10e finale au All England Club. Sa science du jeu sur gazon, son immense expérience du haut niveau et sa volonté d'écrire sa légende à chaque Majeur seront ses meilleurs alliés pour conquérir un huitième "Championship" et égaler Roger Federer. Comme Djokovic l'a souligné après le match, "l'histoire est en jeu". Elle s'écrira en effet sous nos yeux dimanche sur le Centre Court du plus vieux tournoi au monde.

🏆 Leur tournoi 2024

Carlos Alcaraz a déjà passé plus de 17 heures sur le gazon londonien cette année. C'est beaucoup, même si la capacité de récupération de l'Espagnol n'est plus à prouver. Comme à son habitude, le Murcien s'appuie sur des fulgurances en coup droit, une couverture de terrain exceptionnelle et un toucher de balle soyeux pour mettre au pas ses adversaires. Parviendra-t-il à éviter les trous d'airs qu'il a connus lors de ses matchs jusqu'ici ? C'est probablement l'une des clés de cette finale.

1er tour : victoire face à Mark Lajal (7/6(3), 7/5, 6/2 en 2h22)

2e tour : victoire face à Aleksandar Vukic (7/6(5), 6/2, 6/2 en 1h48)

3e tour : victoire face à Frances Tiafoe (5/7, 6/2, 4/6, 7/6(2), 6/2 en 3h50)

Huitièmes de finale : victoire face à Ugo Humbert (6/3, 6/4, 1/6, 7/5 en 2h58)

Quarts de finale : victoire face à Tommy Paul (5/7, 6/4, 6/2, 6/2 en 3h11).

Demi-finales : victoire face à Daniil Medvedev (6/7(1), 6/3, 6/4, 6/4 en 2h55)

En comparaison, Novak Djokovic a nettement moins transpiré sur les courts du All England Club, 13 heures à peine, bien aidé il est vrai par le forfait en quarts d'Alex de Minaur. L'homme aux 24 titres du Grand Chelem a rassuré sur son état physique, en dépit de quelques balbutiements tennistiques lors des premiers tours. Avec 82% de points remportés derrière sa première balle, le Serbe sait qu'il dispose d'un service fiable qui lui offre de nombreux points. Ses montées gagnantes ont également donné une indication claire sur ses intentions : à l'instar de ses illustres rivaux Federer et Nadal, il souhaite raccourcir les échanges et instiller le doute dans la tête de ses adversaires.

1er tour : victoire face à Vit Kopriva (6/1, 6/2, 6/2 en 1h58)

2e tour : victoire face à Jacob Fearnley (6/3, 6/4, 5/7, 7/5 en 3h00)

3e tour : victoire face à Alexei Popyrin (4/6, 6/3, 6/4, 7/6(3) en 3h05)

Huitièmes de finale : victoire face à Holger Rune (6/3, 6/4, 6/2 en 2h03)

Quarts de finale : qualification suite au forfait d’Alex De Minaur

Demi-finales : victoire face à Lorenzo Musetti (6/4, 7/6(2), 6/4 en 2h48)

🆚 Face-à-face

Évidemment, nous sommes encore loin des sommets Djokovic-Nadal ou Djokovic-Federer mais Djokovic-Alcaraz commence à devenir un drôle de classique intergénérationnel. Le Serbe de 37 ans et l'Espagnol de 21 printemps se sont affrontés à cinq reprises avec un léger avantage pour "Djoko" qui mène 3-2. L'an passé, leur confrontation au même stade du tournoi avait touché au sublime et couronné le prince Alcaraz face au roi du gazon. D'ailleurs, à chaque reprise, leurs duels ont donné lieu à des rencontres ultra spectaculaires aux rebondissements d'anthologie. Difficile de croire que la finale de dimanche, avec son lot d'enjeux colossaux, fera exception à la règle.

🎤 Entendu en conf’

Carlos Alcaraz : "J'essaie de ne pas penser au fait que je suis le champion en titre. Chaque match est une guerre et j'essaie d'être meilleur chaque jour, de m'améliorer, ou plutôt de jouer un meilleur tennis à chaque match. Djokovic a disputé de nombreuses finales de Grand Chelem et en a gagné beaucoup. L'année dernière, ce fut un match très difficile. J'ai joué contre lui plusieurs fois en Grand Chelem, en finale de Masters 1000... Je sais ce que je dois faire et je suis sûr qu'il sait aussi ce qu'il doit faire pour me battre".

Novak Djokovic : "D'une certaine manière, jouer une 10e finale ici est surréaliste parce que ce tournoi a toujours été mon préféré quand j'étais enfant. Jusqu'à trois ou quatre jours avant le tournoi je n'étais pas sûr d'y participer. J'ai fait un effort supplémentaire pour récupérer aussi vite que possible.

Je vois beaucoup de similitudes entre Carlos Alcaraz et moi en termes de capacité d'adaptation. Je pense que c'est probablement sa plus grande qualité : il est capable de jouer aussi bien partout et contre n'importe qui. Ce qu'il a fait à un si jeune âge est impressionnant.

L'histoire est en jeu. Je suis conscient que Roger (Federer) a gagné huit Wimbledon et moi sept. C'est aussi le 25e titre du Grand Chelem potentiel. C'est une grande motivation mais aussi beaucoup de pression".