Encouragés et ovationnés par des supporters aux anges, les Américains ont de nouveau fait le show dans les deux tableaux ce mardi pour découvrir ou retrouver le dernier carré.
US Open 2024 – J9 : les nouvelles étoiles de la bannière
Taylor Fritz, Frances Tiafoe et Emma Navarro continuent de faire rêver l’Amérique.
Fritz & Tiafoe : 15 ans que les USA attendaient ça
Tout vient à point à qui sait attendre. Battu lors de ses quatre premières tentatives en quarts de finale de Grand Chelem, Taylor Fritz a magnifiquement brisé ce plafond de verre chez lui ce mardi. "Je pense que j’étais un peu nerveux lors de mes précédentes tentatives, a-t-il confié face aux médias. Mais aujourd'hui, je me suis senti très bien dès le début […] Je dirais que mon comportement était différent parce que j’ai été dans cette situation suffisamment de fois. A chaque fois que j’ai perdu en quarts, on m’a demandé ce que je devais faire pour aller plus loin. Et j’ai toujours répondu qu’il fallait que je continue à atteindre ce stade de la compétition pour m’améliorer et être plus à l’aise dans ces situations. Et c’est vraiment ce qui s’est passé aujourd’hui."
Pour cocher ce nouvel accomplissement en carrière, le 12e joueur mondial a refait le coup à Alexander Zverev (n°4), pourtant grand favori de cette partie basse depuis l’élimination surprise de Novak Djokovic au troisième tour. Solides au service et en fond de court, les deux hommes ont livré la partie que l'on attendait d’eux mais la constance de l’Américain combinée au manque de tranchant de l’Allemand dans les moments importants ont fait la différence. Tout s’est peut-être d’ailleurs joué dans un troisième set aux allures de roller coaster, au cours duquel les deux hommes ont chacun gagné trois jeux de suite avant que le finaliste de Roland-Garros ne commette des erreurs préjudiciables à 4-5.
Déjà très savoureuse en huitièmes de finale de Wimbledon, la recette de Fritz s’est encore améliorée grâce à une pincée supplémentaire de sang-froid, de maîtrise et d’agressivité (7/6(2), 3/6, 6/4, 7/6(3) en 3h26). "Tu sais à quel point il est important d’avoir un gros service, a-t-il lancé à son pote Nick Kyrgios en interview d’après-match. Mais à ce niveau, les balles reviennent un peu plus, surtout contre ces gars-là qui sont généralement très bons en fond de court. Je me suis efforcé d’ajouter beaucoup de choses à mon jeu. Si mon coup droit et mon revers ont toujours été là, j’essaie de monter un peu plus au filet, de mélanger tout ça avec quelques amorties, histoire de ne pas me reposer que sur mon service."
Transcendé par le soutien inconditionnel du public durant toute la rencontre, il devra sans doute essayer de dicter sa loi en l’absence de majorité absolue dans le dernier carré. En effet, pour la première fois depuis l’US Open 2005 (Andre Agassi contre Robby Ginepri), deux Américains se feront face à ce stade de la compétition en Grand Chelem. Sous les yeux d’un Roger Federer visiblement enjoué par le spectacle proposé en session de soirée, Frances Tiafoe (n°20) a lui aussi composté son billet au terme d’une rencontre malheureusement conclue par l’abandon de Grigor Dimitrov (n°9), touché au niveau de l’adducteur gauche dans la troisième manche.
S’il a bien tenté de finir la rencontre, c’était vain et sans doute risqué face à un "Big Foe" en pleine possession de ses moyens (6/3, 6/7(5), 6/3, 4-1 ab, en 3h04). "La fin était un peu abrupte mais j’ai trouvé que le niveau était très élevé pendant deux sets et demi, a analysé celui qui était déjà demi-finaliste ici-même en 2022. Je pense que mon plan de jeu était parfait et même s’il est revenu dans la deuxième manche, j’ai continué à pratiquer mon jeu et à réussir à mettre la pression. Je pense vraiment que j’ai bien joué."
Après un début de saison bien en deçà de ses attentes, marqué notamment par des défaites au deuxième tour à l’Open d’Australie puis à Roland-Garros, le showman s’était montré plus convaincant à Wimbledon avant de pleinement se retrouver sur les courts de Cincinnati, seulement battu par Jannik Sinner en finale. Après avoir confié au All England Club qu'il perdait contre "des clowns" et qu'il s'était reposé sur ses lauriers pendant plusieurs mois, le voici de nouveau sous le feu des projecteurs. "Je me sentais très bien en arrivant ici, a-t-il poursuivi. Vous savez, ça aide de retourner dans un endroit où vous avez connu vos plus beaux succès. Mais pour être honnête avec vous, je ne pensais vraiment pas refaire une demie ici ou gagner le tournoi […] Mais après avoir battu Ben (Shelton), le tableau s’est emballé et à ce moment-là, vous êtes en mode : ‘Pourquoi pas ?’ Maintenant, j’ai les deux pieds dans le dernier carré, c’est comme ça !"
Une future affiche de rêve pour la bannière étoilée dont il est toutefois bien difficile de prédire l’issue au vu de la forme et de la qualité de jeu des deux hommes depuis le début de la quinzaine. Mais une chose est sûre : il y aura bien un représentant américain en finale de Grand Chelem cette saison, pour la première fois depuis 2009 (et depuis 2006 en ce qui concerne l’US Open). "Avec Taylor, Tommy (Paul), Reilly (Opelka), nous en parlons ouvertement depuis des années. Je pense que nous avons tous frappé à la porte. Taylor est entré puis sorti du Top 10 et moi-même j’y étais l’an passé à la même époque. Tommy frappe à la porte des quarts aussi, il joue très bien. Il y a aussi Ben (Shelton)… Lorsque vous êtes dans cette position, tout ça n’est qu’une question de temps. Et c’est très ouvert, ce n’est plus comme avant, quand vous faisiez un quart de finale contre Rafa (Nadal) et que vous pouviez déjà envisager le vol retour. C’est la réalité, aujourd’hui, personne n’est imbattable, surtout en fin de saison quand tout le monde est un peu cuit. Ils ne sont plus aussi frais ou du moins, ils sont vulnérables. Donc c’est très enthousiasmant d'avoir l'opportunité de rallier la finale pour la première fois depuis 2009. J’espère que ce sera moi."
Navarro, une première demie et le Top 10
Très (trop ?) régulièrement employée par les observateurs, la notion de progression constante peut parfois paraître abstraite ou du moins exagérée. Mais une fois n’est pas coutume, elle s’applique parfaitement à la trajectoire de la troisième star américaine du jour, Emma Navarro. De par son classement déjà, puisque l’actuelle 12e joueuse mondiale – qui fera officiellement son entrée dans le Top 10 lundi prochain – n’était que 149e en fin d’année 2022 et 32e à l’issue d’un exercice 2023 au cours duquel elle a notamment glané sa première victoire contre une joueuse du Top 10 (Maria Sakkari, en quarts de finale du WTA 500 de San Diego). Mais aussi et surtout par ses différents parcours en Grand Chelem cette saison. Stoppée au troisième tour à l’Open d’Australie, elle a ensuite découvert les huitièmes de finale à Roland-Garros, les quarts à Wimbledon et donc, les demi-finales à l’US Open. Une évidence ? Pas tant puisque depuis 40 ans, elle n’est que la 6e joueuse à atteindre ce stade de la compétition à New York sans y avoir connu le moindre succès par le passé.
La joueuse de 23 ans apprend vite et se sert de toutes ses expériences pour franchir un à un les paliers. "Je pense qu’à Wimbledon, j’ai été débordée par des émotions que je n’avais pas besoin de ressentir en quarts de finale de Grand Chelem. En entrant sur le court aujourd’hui, je me suis sentie beaucoup plus à l’aise. J’étais ‘ready to rock’ ! Je suis arrivée à un stade de ma carrière où je n’ai plus peur des résultats ou de réaliser une performance, peu importe le tournoi, a-t-elle expliqué en bord de court avant de préciser sa pensée en conférence de presse. C’est fou de me dire que je suis capable d’entrer sur le court Arthur Ashe et de me sentir à l’aise parce que ce n’est pas du tout dans ma nature d’être sous le feu des projecteurs ou de rechercher l’attention des gens […] Mais je crois que ces expériences à ce niveau sont très importantes pour pouvoir, un jour comme aujourd’hui, me sentir bien. Je suis contente de ma progression et de ressentir ça dans ce genre de moments."
Calme et sûre de sa force – des qualités qu’elle tient de sa mère selon ses dires – la native de New York l’a de nouveau été pour éliminer Paula Badosa (n°26) en 1h12 (6/2, 7/5). Mené 1-5 dans le deuxième set par une adversaire de retour à son meilleur niveau, elle a complètement inversé la tendance pour s’éviter un troisième set toujours piégeux. "Même si elle menait 5-1 puis 5-2, j’ai senti qu’elle n’était pas totalement confiante dans sa capacité à conclure donc je me suis dit que si je pouvais la bousculer et la faire réfléchir sur son service, je pourrais peut-être me faufiler, a-t-elle analysé à froid. Parfois, quand vous êtes sur le court, vous pouvez vous imaginer jouer un troisième set. Mais aujourd’hui, je ne me suis pas vue en disputer un. J’avais le sentiment que je pouvais revenir et boucler l’affaire en deux manches."
Reste désormais à savoir si la joueuse aux 30 victoires sur dur cette saison (record) parviendra à avoir une nouvelle vision lors de son duel au sommet face à Aryna Sabalenka.
Sabalenka, comme une évidence
Si certains grands favoris ont failli dans leur mission au cours de cette quinzaine, la numéro deux mondiale n’est pas du genre à se laisser surprendre. Dans un remake de leur quart 2023 et de la finale de l’Open d’Australie, elle a éparpillé Qinwen Zheng façon puzzle (6/1, 6/2 en 1h13).
En réussissant notamment 16 coups gagnants et en remportant 49% de points en retour, elle n’a laissé aucun répit à une joueuse pourtant très en confiance depuis son titre olympique. "Je suis très heureuse d’avoir gagné en deux sets et du niveau atteint aujourd’hui, c’est une très belle performance, a-t-elle sobrement résumé avant d’avouer avoir été particulièrement motivée par la présence de Roger Federer en tribunes. Je l’ai vu sur le grand écran et même si je suis presque sûr qu’il est venu pour voir Tiafoe et Dimitrov, je me suis quand même dit : ‘Ok, je dois jouer mon meilleur tennis pour qu’il passe un bon moment ! Je dois lui montrer mes meilleurs coups, mes meilleurs slices, monter au filet et tout ça’ (rires). C’était un bon moment et c’est sympa de le voir dans les parages."
Sur une série de 10 victoires de rang, la dauphine d’Iga Swiatek compte également 25 succès lors de ses 26 derniers matchs en Grand Chelem sur dur. Dans le dernier carré à New York pour la 4e année consécutive, elle sait qu’au-delà de son talent, elle peut compter sur sa grande expérience pour effacer la désillusion de l’an passé. "Je suis plus expérimentée et plus régulière dans mon jeu, a-t-elle détaillé. Au début, quand vous arrivez sur le circuit et que vous êtes en deuxième semaine, c’est quelque chose de fou, vous vous mettez énormément de pression en Grand Chelem. Et honnêtement, avant, je ne savais pas comment gérer cette pression. Pendant mes jours de repos, je ne pensais qu’au tennis et je gaspillais mon énergie. Désormais, je prends les choses avec plus de distance, ce n’est que du tennis. J’essaie juste de donner le meilleur de moi-même et peu importe ce qu’il se passe sur le court, je vais me battre. Si ça doit arriver, ça arrivera et la seule chose que vous pouvez contrôler, c’est vous-même et vous devez littéralement vous battre pour ça. Bref, tout ça m’aide à profiter de cette aventure, ce qui n’est jamais facile à faire."
Une pression qui descendra également des gradins ce jeudi puisque le court Arthur Ashe vibrera pour sa favorite, Navarro. Mais là encore, "Saba" a peut-être trouvé une solution, toujours avec humour : "Les gars, les consommations sont pour moi ce soir ! Merci et s’il vous plait, soutenez-moi un peu au prochain match" a-t-elle plaisanté au micro de Pam Shriver.